Le cinéaste camerounais François Woukouache présente en compétition officielle à Carthage son film » Fragments de vie » : trois histoires un peu énigmatiques qui dépeignent la réalité quotidienne de Yaoundé, à travers ses exclus et marginaux.
L’image que les cinéastes africains offrent cette année à Carthage de leurs pays respectifs présente quelques analogies, malgré les différences de ton, de manière, de couleurs. Analogue, le regard sans complaisance porté sur des sociétés à la traîne, qui digèrent mal la mondialisation et ses conséquences politiques, économiques et sociales. Analogue, l’attitude un peu décalée, sans dénonciation violente, mais sans illusion, face aux pouvoirs publics locaux, leur corruption et leur inefficacité – difficilement supportée par la population.
De ce point de vue, François Woukouache va aussi loin qu’il est possible, sans exagération, sans pathos. De la mise en scène tournoyante des histoires simples qu’il raconte : les désillusions d’un chômeur en quête d’emploi au cours d’une journée ordinaire d’humiliation sans profit, qui s’achève dans une mitraillade entre deux gangs, ou dans un guet-apens policier, on ne sait ; la vengeance, mangée froide, d’une fille contre le commissaire qui a fait disparaître son père et brutalisé sa mère, alors qu’elle n’était qu’une enfant ; enfin les retrouvailles, longtemps différées, d’un homme et d’une femme inexplicablement séparés (et là-encore, le non-dit de cette séparation semble de nature politique)…
Un triptyque d’ombre et de lumière
Le cinéaste ne dénonce rien, il raconte, soigneusement, ces trois histoires envoûtantes dans un balai d’images dont la cohérence reste un temps mystérieuse, avant de livrer enfin son sens. Trois histoires qui ont une face diurne, sous la lumière éclatante de cette ville » d’Afrique équatoriale « , et une face nocturne, éclairée par les lampes des bars et des bordels, par les phares des voitures et les lueurs des braises.
Une fois pris le rythme profondément original que François Woukouache imprime à ses récits, le spectateur se laisse emporter dans cette vision, où le quotidien côtoie l’onirique. Images d’un Cameroun en transition entre hier et demain, assoiffé de liberté et où chacun se débrouille, comme il peut, pour frayer sa voie, frayer sa vie.