Le cinéaste béninois Jean Odoutan présente en compétition officielle à Carthage son film » Barbecue Pejo » : quatre-vingt-dix minutes de malheurs pour ses personnages qui sont quatre-vingt-dix minutes de bonheur pour son public.
Un film joyeux, sans complaisance, et plein de malice, qui joue avec la réalité quotidienne d’un village perdu du Bénin, où un cultivateur qui faisait jusque là vivre sa famille, tant bien que mal, à partir d’un champ de maïs exploité à la sueur de son front, se pique de changer de carrière et d’acquérir, pour devenir Taxi-brousse, une vieille Peugeot (Pejo) qui a beaucoup roulé et qui se révèlera peu capable de remplir cette nouvelle mission.
Inutile de décrire la suite des avatars que va traverser le héros, alternant moments d’exaltation joyeuse, rêves éveillés où il se voit conquérant le monde, et passages de déprime profonde, quand soudain, adieu veau vache cochon couvée, il se découvre encore un peu plus démuni que l’instant d’avant, tombé encore un peu plus bas…
Fonctionnement autarcique du village, où les références aux émissions de télévision françaises ouvrent une improbable fenêtre sur le reste du monde, regards croisés d’une petit univers où rien n’échappe et où tout est rapporté, jeux ironiques où le personnage principal est trompé, ballotté, exploité, sans cesser d’apparaître fondamentalement sympathique et généreux, comme sa femme et ses deux petites filles.
Moral retrempé
Jean Odoutan raconte son histoire comme un conte philosophique de Voltaire, c’est un récit qui n’impose aucune interprétation, qui ne s’appesantit pas sur une thèse. Plein de fraîcheur, il ne délivre pas de sens caché, il montre ce qu’il voit, et cette naïveté forcée est plus forte que n’importe quelle charge parce qu’elle est doublée d’affection. Les défauts mêmes de ses personnages s’attirent apparemment son indulgence !
On sort de » Barbecue Pejo » avec un moral retrempé : enfin un film qui offre autre chose qu’une Afrique de pacotille pour touristes. Voilà une histoire robuste et décomplexée, ancrée dans la campagne reculée du Bénin que Jean Odoutan a choisie pour cadre, tout en se donnant une totale liberté d’improvisation pour ce qui concerne le scénario et l’intrigue. La liberté de création mise en service de l’authenticité d’une expérience, que demander de mieux ?