La musique antillaise mêlée d’influences hip hop et funk est à l’honneur. Quatre ans après Roots Mwen, et six ans après son premier album Finally, le troisième opus de Chyco Simeon, Ozanam, est sorti en avril dernier. Le jazzman est en concert ce samedi au festival Kreol Jazz de Paris, au New Morning.
Dans Ozanam, Chyco Simeon met en avant ses origines, dans la continuité de son opus précédent Roots Mwen. Le bassiste s’est entouré de quelques jazzmen issus de la scène caribéenne, parmi lesquels Michel Alibo, José Zébina et Jowee Omicil. Il nous parle de sa musique, de son instrument et de la nostalgie qu’il éprouve pour la culture musicale urbaine française.
Afrik.com : Quelle est la signification du nom de votre dernier album, Ozanam ?
Chyco Simeon : Ozanam est le nom d’un quartier martiniquais d’où je suis issu: Ozanam Batelière. L’album retrace les moments que j’ai passé dans ce quartier. Ma maman y vit encore. C’est un album qui vient du cœur.
Afrik.com : Votre instrument de prédilection est la basse. Pourquoi ?
Chyco Simeon : J’ai une approche physique de la basse. Pour un musicien, le rapport de l’homme avec son instrument est très charnel. Un peu comme le rapport d’un homme avec une femme. Rythmiquement et harmoniquement, la basse a beaucoup de puissance. C’est un instrument libre. J’ai été attiré pour la première fois par la basse en écoutant The Brothers Johnson.
Afrik.com : Vous avez été membre de Washa, un groupe de R’N’B. Quel est l’apport de l’univers urbain dans votre musique ?
Chyco Simeon : J’aime toutes les musiques. Je suis ouvert à tous les styles. Mais rythmiquement, la musique urbaine est une musique puissante. Le style qui m’a le plus parlé est le funk. J’apprécie énormément le mélange des genres sur une base assez lourde. La fusion du côté massif, que ce soit dans le rock, le R’N’B, avec la liberté d’improvisation et d’expression du Jazz. Avec le jazz, il faut toujours se remettre en question. Le principe est de raconter des choses populaires, sociales très importantes avec la liberté du Jazz. Après pour Washa, je me suis inspiré du côté lourd du R’N’B et du hip hop de l’époque. Si c’est pour refaire ce qui a été fait dans les belles années du Jazz, ce n’est pas la peine.
Afrik.com : Et l’apport de vos origines dans votre musique ?
Chyco Simeon : Aussi important que le reste. Jeune, je rentrais régulièrement en Martinique. L’apport des origines dans la musique est difficile à expliquer. C’est comme les membres d’un corps. Je suis constitué de tout un vécu. Composer revient à musicalement raconter sa vie. Le compas, le biguine, les musiques traditionnelles…Tout cela est musicalement ancré en moi comme le Jazz et le funk.
Afrik.com : Que pensez-vous de la culture urbaine en France ?
Chyco Simeon : Les banlieues françaises se sont accaparées du hip hop. Tous les jeunes artistes exploitent le côté rap du hip hop. Je redoute simplement une exploitation chaotique du rap. A l’époque de NTM, Téléphone etc, il y avait une réelle création artistique, de vrais chansons à textes. Aujourd’hui, j’ai l’impression que l’univers artistique urbain rassemble des personnes qui pensent la même chose, sans vouloir qu’elle change. Ce n’est pas le cas de tous les artistes, je fais référence à ceux qui sont surmédiatisés. Il n’y a plus de recherche d’écriture. C’est dommage! Ce qui faisait l’originalité de la France dans les années 90, c’est que les artistes essayaient d’avoir de l’écriture. C’est vrai que des radios comme Skyrock, Génération sont de plus en plus écoutés, ce qui montre que les gens sont plus ouverts à la culture populaire. Mais j’ai l’impression que la logique commerciale l’emporte sur la logique artistique. On parle du hip hop, mais le rap, le hard Rock, le zouk connaissent la même évolution. On est là uniquement pour faire danser et pas pour faire réfléchir. Des fois, on a envie que les chansons soient écrites en anglais…