Le président et le gouvernement français veulent que la « lumière soit faite » sur les circonstances qui ont conduit à la chute depuis le quatrième étage de son domicile, ce jeudi, d’un jeune sans-papiers d’origine tchétchène qui fuyait la police. Les procédures qui visent actuellement les fonctionnaires ne concernent pas le président de la République, dont le rôle de la politique de lutte contre l’immigration dans le drame survenu jeudi n’appelle aucune « lumière ».
A l’image du Premier ministre François Fillon, tout le gouvernement français, ainsi que le chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy, ont témoigné jeudi de leur « compassion » à la famille du jeune Ivan. L’adolescent, âgé de 12 ans, était tombé dans la matinée du quatrième étage de son domicile alors qu’il suivait son père, le long des balcons de son immeuble, pour fuir les policiers. Ceux-ci s’étaient présentés avec une réquisition du procureur de la République, afin que la famille réponde à une convocation, dans une démarche qui se serait sans doute achevée par la mise en rétention de la famille. Ivan était encore dans le coma vendredi après-midi avec un « pronostic vital engagé ».
Que le gouvernement exprime sa compassion est une chose. Mais depuis jeudi soir, du président de la République jusqu’au Premier ministre, en passant par le ministre de l’Immigration Brice Hortefeux, c’est tout le gouvernement qui souhaite « que la lumière soit faite… »
Pourtant, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, avait été alerté à de nombreuses reprises contre les conséquences dramatiques qu’auraient forcément les objectifs qu’il chiffrait à ses préfets en terme de reconduction à la frontière. C’est que dans cette course aux résultats, le résident de la Place Beauvau a tenté, et souvent réussit, de donner des armes à ses fonctionnaires. Comme avec ses homologues européens, en organisant des charters groupés vers des pays de reconduction : comment alors faire en sorte que les fonctionnaires de police interpellent dans des conditions normales des sans-papiers appartenant à un pays donné dans un délais déterminé par le départ d’un avion ? s’interrogeait en juillet 2005 Claudia Charles, du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés), sur Afrik.
Plus saisissant, dans la traque qu’il livre aux sans-papiers et à leurs soutiens, toujours prompts à épuiser tous les recours possibles devant l’administration, le ministère de l’Intérieur a répliqué par une circulaire, le 21 février 2006, sur « les conditions de l’interpellation et la garde a vue d’un étranger en situation irrégulière ». Décriée par les associations de défense des droits de l’homme et par le Syndicat de la magistrature, elle tentait de déterminer les modalités d’interpellation des personnes sans titre de séjour, notamment les modalités les plus limites. Elle croyait ainsi banaliser les « convocations pièges » en préfecture, une pratique que la cour de cassation a par la suite « jugée déloyale », et indiquait les possibilités d’interpellation des personnes sans-papiers à leur domicile.
Depuis plusieurs semaines, le bruit courait sur les forums que les autorités utilisaient les coordonnées fournies aux préfectures par les familles qui ont espéré être régularisées, l’été dernier, dans le cadre de la circulaire du 13 juin 2006. Ce qui s’avérera avoir été une vaste loterie visait à étudier « au cas par cas », sur des critères donnés, les dossiers des familles dont un enfant au moins était scolarisé. Après la pause de l’été 2006 et la récolte des données personnelles, l’offensive a été donnée en 2007.
Rien de plus logique. Et finalement très peu de lumière à faire. Le Premier ministre lui-même a indiqué, après avoir fait part de sa « compassion », que « la politique de l’immigration (…) nécessite une fermeté et un engagement fort de tous les agents de l’Etat ». Et qu’il « est évidemment nécessaire de faire toute la lumière sur les circonstances de ce drame ». Une politique assumée. Drame d’abord. Lumière ensuite.