Le double langage du Libéria dans la crise en Sierra Leone laisse à entendre que plus que le RUF, dont le leader reste introuvable, c’est Charles Taylor qui joue avec la communauté internationale. Triomphe de la « realpolitik » : c’est au principal responsable de la guerre civile en Sierra Leone, l’actuel président du Liberia, Charles Taylor, que revient le rôle de médiateur entre les rebelles du RUF et la communauté internationale.
Non content d’avoir mis le Liberia à feu et à sang au terme d’une atroce guerre civile (200 000 tués), Charles Taylor, surnommé affectueusement « Chuckie », a soutenu Sankoh, l’un de ses plus fidèles lieutenants parti porter l’apocalypse en Sierra Leone voisine. Et surtout… faire main basse sur les régions diamantifères de l’est.
Contre des denrées alimentaires et, surtout, des armes, le Liberia s’est ainsi ménagé, via le RUF, une cassette confortable, faisant passer, selon la BBC, ses exportations en diamants, de 150 000 à 6 millions de carats.
S’exprimant mardi 10 mai dans les colonnes du Washington-Post, le sénateur américain Judd Gregg ne mâchait pas ses mots : « Il est le réel créateur du RUF. Il l’a financé, équipé, hébergé. Les malheurs de la Sierra Leone continueront aussi longtemps que Charles Taylor restera président du Libéria », déclarait-il, allant jusqu’à préconiser de « chasser Chuckie du pouvoir ».
Concessions britanniques, mercenaires sud-africains
Certains observateurs suggèrent que les accords de paix de Lomé (juillet 1999) doivent autant à l’expulsion de la RUF de Freetown par les troupes d’interposition de l’ECOMOG, qu’à l’épuisement des mines a ciel ouvert dont les miliciens de Sankoh avaient fait leur QG.
Or avec l’accord du gouvernement légal et l’appui musclé de mercenaires sud-africains, la compagnie britannique Branch Energy a reçu licence, le 15 mars 1999, pour lancer des exploitations souterraines en pleine zone rebelle. Pour le couple Sankoh/Taylor, le filon est tout autant difficile d’accès que convoité à l’excès.
Autant d’éléments qui poussent à voir en « Chuckie », le véritable instigateur du gigantesque kidnapping dont sont victimes un demi millier d’otages onusiens.
C’est à cet homme que la communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest a donc confié le soin d’assurer la libération des quelques 347 casques bleus otages des rebelles.
Soucieux de « ce qu’il adviendra (aux casques bleus Ndlr) en cas de poursuite des combats », la présidence libérienne a mis en préalable de sa médiation, la fin des hostilités. Estimant par avance qu’il « faudra revoir le processus » de paix. La libération de 139 soldats de la communauté internationale, grâce à l’ « intervention » de Monrovia a le mérite de montrer cyniquement à la communauté internationale qui contrôle le RUF.
Par faiblesse celle-ci l’en remercie.