Au quatrième jour de la compétion officielle, Afrik.com revient sur les films du Béninois Sylvestre Amoussou, du Marocain Latif Lahlou et de l’Egyptien Yousry Nasrallah.
Un pas en avant – Les dessous de la corruption du réalisateur béninois Sylvestre Amoussou, qui a fait l’ouverture de la compétition officielle du Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (Fespaco), est un brûlot contre la corruption. Koffi Godomey est épicier dans un pays imaginaire d’Afrique, dont le drapeau ressemble étrangement à celui du Togo. Sans nouvelles de son jumeau Boubacar, il commence à mener l’enquête. Très vite, il se rend compte que son frère est mêlé à une affaire de détournement de médicaments qui ont été offert à son pays par la coopération française. L’aventure est rocambolesque. Trop pour pouvoir véritablement captiver. La prestation de Thierry Desrose, dans la peau de M. Dassoumbo, homme d’affaires véreux au sourire carnassier, et l’insolite et très démonstratif Premier ministre de cette République fictive donnent un peu de relief à une mise en scène quelque peu théâtrale, à une intrigue sans surprise et finalement trop légère au regard même du thème abordé.
Ad-dar Lakbira (La Grande Villa) de Latif Lahlou est l’un des deux films qui représente le Maroc dans la compétition officielle. Rachid est marocain et Laurence est française. Ils avaient convenus qu’ils iraient définitivement s’installer au Maroc, après l’agrégation en médecine de Laurence. Le temps de tenir ses promesses est venu. La petite famille qu’ils forment avec Sami, leur enfant de sept ans, débarque bientôt au Maroc. Rachid est un homme heureux. De retour parmi les siens, il peut également permettre à son pays de bénéficier de ses trouvailles en matière d’énergie solaire. Laurence, elle, est bien moins épanouie dans cette aile luxueuse que la famille de son mari a mis à sa disposition d’autant qu’elle a l’impression que l’éducation de Sami lui échappe. Latif Lahlou filme son isolement face à la joie d’ un Rachid qui oublie parfois ses engagements. Le réalisateur prend également soin de mettre en exergue ces petits détails – un verre de vin que l’on ne peut plus boire en public parce qu’on est issue d’une grande famille marocaine – qui finissent par assombrir le quotidien d’une femme dépaysée. Maître incontesté de son récit, Lahlou raconte un quotidien qui ne lasse pas et fait progresser l’intrigue. Sans être passionnant, le propos d’Ad-dar Lakbira (La Grande Villa) a le mérite d’exposer son point de vue clairement et sans prétention sur un sujet récurrent au cinéma, celui des mariages mixtes.
Hebba et Karim sont tous deux journalistes égyptien. L’émission de la jeune femme, qui irrite les autorités (le régime de Moubarak, en filigrane, a aujourd’hui rendu les armes) pour son traitement sans concession de l’actualité, gène l’ascension de Karim, l’un des cadres du quotidien public Notre Pays. Invitée par son époux à faire moins de politique jusqu’aux prochaines nominations, elle décide de s’intéresser aux destins de femmes qui ont eu maille à partir avec les hommes. Ses trois invitées raconteront à quelles extrémités les ont menées leur conjoint. L’une a renoncé à se marier, l’autre a commis un crime passionnel et la troisième a renoncé à la maternité. Raconte Sheherazade raconte de Yousry Nasrallah, de même que The Wedding d’Abdel Aziz Sameh, marque le retour de l’Egypte dans la compétition officielle au Fespaco. Flashback et incursions dans la vie de couple de Hebba se répondent pour dresser un tableau peu réjouissant de femmes dans l’adversité. Le cinéaste égyptien prend leur parti tout en affirmant que ces « victimes » sont restées maîtres de leur destin. Hebba et ses interlocutrices sont ainsi l’incarnation de toutes celles qui ne renoncent jamais dans une société où les mâles dominent et écrasent leurs alter égo. Nasrallah, qui a fait ses classes auprès de Youssef Chahine, livre un film militant merveilleusement porté par un casting féminin dont la tête d’affiche est Mona Zakki. Un bémol : le cinéaste ne laisse jamais le choix au spectateur de se faire une opinion. Ce dernier ne peut que partager celle de Yousry Nasrallah tant les preuves sont accablantes.