Chômage des jeunes, dette publique et absence des femmes du marché du travail restent des maux persistants au Maroc


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Le taux de chômage a atteint des proportions élevées au Maroc
Chômage au Maroc

Un an après le séisme dévastateur qui a frappé le centre du Maroc en septembre 2023, l’économie du pays montre des signes de reprise. Cependant, le chômage des jeunes demeure un défi majeur, entravant le développement durable du royaume. Le récent rapport de l’OCDE sur le Maroc, publié en septembre 2024, met en lumière cette problématique persistante, ainsi que d’autres défis socio-économiques auxquels le pays est confronté, comme la place trop limitée de la femme sur le marché du travail ou l’importance de la dette publique.

Un taux de chômage alarmant chez les jeunes

Le chômage des jeunes reste un problème central pour le Maroc. Selon les dernières statistiques du Haut-Commissariat au Plan (HCP), le taux de chômage des jeunes âgés de 15 à 24 ans a atteint 29,8% au deuxième trimestre 2024, une légère hausse par rapport aux 29,2% enregistrés à la même période en 2023. Ce chiffre est particulièrement préoccupant lorsqu’on le compare au taux de chômage global, qui s’établit à 11,2% pour l’ensemble de la population active.

Le rapport de l’OCDE souligne que cette situation s’est aggravée au cours des dernières années, malgré une reprise économique globale après la pandémie de COVID-19 et les efforts de reconstruction post-séisme. Cette augmentation du chômage est attribuée à plusieurs facteurs, notamment la désindustrialisation progressive de certaines régions, le manque d’opportunités dans les secteurs formels, et l’inadéquation entre les compétences des jeunes diplômés et les besoins du marché du travail. En conséquence, une grande partie des jeunes se retrouvent sans emploi ou contraints de rejoindre l’économie informelle, qui représenterait environ 30% du PIB marocain selon les estimations de la Banque mondiale.

Des efforts gouvernementaux insuffisants

Face à ce défi, le gouvernement marocain a mis en place diverses réformes pour tenter de lutter contre le chômage des jeunes. Ces initiatives comprennent l’amélioration de l’enseignement supérieur et la promotion de la formation professionnelle, le lancement du programme « Awrach » visant à créer 250 000 emplois directs en deux ans, ainsi que la mise en place de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH) avec un budget de 18 milliards de dirhams pour la période 2019-2023.

Cependant, les résultats de ces initiatives restent en deçà des attentes. Le rapport de l’OCDE appelle à une rationalisation des politiques actives de l’emploi et recommande des actions plus ciblées sur les secteurs à fort potentiel d’emploi, une meilleure adéquation entre les compétences enseignées et les besoins du marché du travail, ainsi qu’un renforcement des partenariats entre les établissements d’enseignement et le secteur privé.

L’impact du chômage des jeunes sur l’économie marocaine

Le chômage élevé des jeunes a des répercussions significatives sur l’ensemble de l’économie marocaine. Tout d’abord, il entraîne une perte importante de potentiel de croissance. Selon les estimations de la Banque mondiale, une réduction de 1% du taux de chômage des jeunes pourrait augmenter le PIB marocain de 0,5% par an. De plus, cette situation conduit à une augmentation des dépenses sociales, le gouvernement marocain ayant dépensé environ 4% de son PIB en 2023 pour des programmes d’aide sociale, dont une part importante est destinée aux jeunes chômeurs. Enfin, le chômage des jeunes représente un risque d’instabilité sociale, le mécontentement croissant parmi les jeunes sans emploi pouvant mener à des tensions sociales, comme l’ont montré les manifestations sporadiques dans certaines régions du pays, la forte volonté d’émigration vers l’Europe, et aussi le basculement d’une partie de la population vers les activités illicite du trafic de drogue.

La place encore limitée des femmes sur le marché du travail

Le rapport de l’OCDE relève aussi la faible présence des femmes sur le marché du travail comme l’un des principaux freins à la croissance inclusive au Maroc. Avec seulement 15,5 % des femmes en activité, le taux de participation féminine est extrêmement bas, bien en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE. Les obstacles sont nombreux : stéréotypes de genre persistants, discrimination à l’embauche, manque de services de garde d’enfants abordables et flexibles, ainsi que des difficultés d’accès au financement pour les entrepreneuses. Les femmes marocaines sont souvent reléguées à des emplois précaires, informels ou à temps partiel, ce qui limite leurs perspectives économiques et leur capacité à contribuer pleinement au développement du pays.

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Pourtant, l’inclusion des femmes sur le marché du travail pourrait être un puissant moteur de croissance économique. L’OCDE recommande des actions urgentes pour améliorer l’accès des femmes à l’emploi, notamment en facilitant l’accès aux services de garde d’enfants, en encourageant la formation professionnelle et en levant les freins culturels et législatifs à leur participation. Promouvoir l’égalité des chances et favoriser l’accès des femmes à des emplois de qualité sont des priorités essentielles pour libérer le potentiel économique du Maroc.

Une dette publique de plus en plus préoccupante

Enfin, la question de la dette publique est une autre source de préoccupation majeure. Le rapport de l’OCDE note que le ratio de la dette publique par rapport au PIB reste autour de 70 %, un niveau élevé qui limite la capacité du Maroc à financer les réformes nécessaires et à stimuler la croissance. Si le déficit budgétaire a été réduit grâce à des politiques fiscales prudentes, le besoin d’investir massivement dans des secteurs clés, tels que les infrastructures, l’éducation et la santé, met une pression continue sur les finances publiques.

Les réformes budgétaires visant à remplacer certaines subventions par des aides sociales plus ciblées sont en cours, mais elles doivent être accompagnées de mesures fiscales efficaces pour élargir la base d’imposition et générer des recettes supplémentaires. L’OCDE recommande une gestion rigoureuse des dépenses publiques et une réduction progressive des subventions coûteuses, tout en augmentant les recettes via la lutte contre l’économie informelle et la taxation plus efficiente des ressources naturelles.

Un constat inquiétant pour l’avenir

Un an après le séisme de 2023, qui a profondément marqué le pays, le rapport de l’OCDE dresse un constat préoccupant de la situation économique du Maroc. Si certaines réformes vont dans le bon sens, des efforts beaucoup plus importants sont nécessaires pour résoudre les problèmes structurels qui freinent le développement du pays. La jeunesse marocaine, en grande partie exclue du marché du travail, la sous-participation des femmes et la lourdeur de la dette publique sont autant de freins à la réalisation des ambitions de croissance inclusive et durable du Maroc.

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