Le cheveu crépu est devenu un symbole puissant de résistance, d’identité et d’émancipation. Les cheveux crépus ont traversé les âges, des coiffures ancestrales des peuples africains aux lois contemporaines qui les protègent. Ils ont été marqués par des périodes de domination, d’aliénation et de renaissance culturelle
Comment une texture capillaire peut-elle incarner à la fois oppression et libération ? À travers une exploration de son histoire et des luttes actuelles, découvrons les enjeux socioculturels qui entourent le cheveu crépu.
Cheveux crépus : entre tradition et communication
Avant l’époque de la traite négrière, les cheveux crépus avaient une signification bien plus profonde que l’aspect esthétique. Ils étaient une véritable carte d’identité sociale. En Afrique, les coiffures comme les tresses et les nattes servaient à affirmer un statut social et une appartenance ethnique. Elles étaient également utilisées pour communiquer des émotions. Ces coiffures transmettaient des messages codifiés, ancrés dans des traditions séculaires. Le cheveu crépu était alors un vecteur de fierté et de communication.
Cependant, à partir du 15ème siècle, les Africains déportés vers les Amériques lors de la traite négrière ont rompu avec leurs coutumes capillaires sous la contrainte. La colonisation a continué à opprimer cette culture. Elle a contribué à la dévalorisation des cheveux crépus. Les colonisateurs assimileront plus tard les cheveux crépus à un symbole de « négligence » et de « sauvagerie »
Le cheveu crépu : un outil de domination sous l’esclavage et la colonisation
Avec l’esclavage, les maîtres ont infligé une forme de domination symbolique sur les cheveux crépus. Les maîtres forçaient souvent les esclaves africains à se raser la tête, pour effacer leur lien avec leur identité culturelle. Ce contrôle du cheveu était une méthode supplémentaire pour asservir les Africains et les priver de toute expression de dignité ou de fierté.
Même après l’abolition de l’esclavage, la colonisation a perpétué les stéréotypes négatifs associés aux cheveux crépus. La société coloniale a stigmatisé cette texture capillaire et l’a considérée comme inférieure.Ces normes esthétiques occidentales ont conduit de nombreuses personnes à pratiquer le « défrisage » chimique.Cela reflète un effort désespéré de se conformer aux standards privilégiant les cheveux lisses.
Lutte contemporaine contre les discriminations capillaires
De nos jours, les cheveux crépus continuent d’être au cœur de débats identitaires et de luttes contre la discrimination. En France comme aux États-Unis, les personnes aux cheveux crépus subissent encore des préjugés, notamment dans le milieu professionnel.
Aux États-Unis, où ces discriminations sont mieux documentées, des lois comme le Crown Act en Californie tentent de protéger les personnes aux cheveux naturels contre ces jugements injustes. En 2023, une enquête menée par Linkedin et Dove a révélé que les femmes afro-descendantes étaient 2,5 fois plus susceptibles de voir leurs cheveux jugés comme « non professionnels ». L’étude a également montré que 20 % des femmes noires de 25 à 34 ans avaient été renvoyées chez elles à cause de leurs coiffures.
Cette réalité pousse de nombreuses personnalités, comme le député guadeloupéen Olivier Serva, à militer pour des lois contre les discriminations capillaires, notamment en France. Il a introduit un texte visant à protéger non seulement les cheveux crépus, mais aussi d’autres formes de cheveux souvent stigmatisés, comme les cheveux blonds ou la calvitie.
Le retour en force du cheveu crépu : émancipation et fierté
Aujourd’hui, un nombre croissant de femmes et d’hommes revendiquent leur identité à travers leurs cheveux naturels. Le mouvement nappy (natural and happy) a permis de redonner au cheveu crépu ses lettres de noblesse. Ce mouvement encourage les femmes noires à embrasser leurs cheveux naturels. Il les incite également à abandonner les pratiques de lissage chimique ou de port de perruques, souvent liées à une pression sociale imposée.
Les cheveux crépus, jadis perçus comme un fardeau, deviennent un étendard de fierté, une manière de reconnecter avec ses racines et de revendiquer sa liberté. À travers des coiffures comme l’afro, les tresses ou les dreadlocks, les Africains et Afro-descendants réaffirment leur culture et leur individualité. Plus encore, ils revendiquent leur droit à la différence.