Chérubin Okende : la classe politique et la société civile rejettent les conclusions de la justice


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Chérubin Okende
Chérubin Okende

Les conclusions de la justice congolaise selon lesquelles le député Chérubin Okende se serait suicidé ne passent pas auprès de la classe politique et de la société civile congolaises. En témoignent les vives réactions observées dans le pays, ce jour.

Au lendemain de la conférence de presse du procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde, qui informait, jeudi, la population congolaise des conclusions de la justice qui évoque le suicide de l’ex-député, Chérubin Okende, de nombreuses voix se sont élevées dans le pays pour protester contre ces conclusions.

La Lucha dénonce une justice «malade»

Le mouvement citoyen de lutte pour le changement (Lucha) est très clair. Il ne croit pas un seul mot de ces conclusions de l’enquête de la justice. «Avec ces conclusions, nous confirmons la thèse du Président Tshisekedi, selon laquelle la justice congolaise qui est non seulement malade, mais à l’agonie. Même ceux qui n’ont pas fait des études peuvent facilement voir avec les images les balles reçues par Chérubin Okende dans sa voiture qui venaient de l’extérieur», a souligné Jacques Issongo, un militant de la Lucha. Et d’ajouter : «Ces conclusions prouvent non seulement que notre justice est malade, mais aussi le niveau de la cruauté. Donc c’est vraiment scandaleux, nous n’avons pas d’autre mot pour exprimer notre désarroi et tristesse».

Les proches du disparu soutiennent la piste de l’assassinat

Pour les proches de Chérubin Okende, il ne fait aucun doute que l’ancien ministre des Transports de Félix Tshisekedi a été victime d’un assassinat. En témoignent ces propos de l’avocat de la famille, Me Laurent Onyemba : « C’est dommage qu’une personne à la trempe de Chérubin soit assassinée et qu’il n’ait même pas un faux procès, même pas un simulacre de procès. C’est triste, c’est la réaction pour le moment de la famille ».

Du côté de sa famille politique, c’est depuis hier déjà que le remplaçant de Chérubin Okende en tant que porte-parole du parti Ensemble pour la République, Me Hervé Diakiese, s’est exprimé. «Hormis les assassins, ni le PGR ni qui que ce soit d’autre n’a vécu les derniers instants de feu Chérubin Okende. La version sidérante du parquet ne repose sur aucun élément procédural. Seul le rapport d’autopsie relate les causes et les circonstances probables de la mort», a martelé l’avocat. «Lorsque dans un État qui se targue d’être de droit, nous en arrivons à l’éclatante démonstration que nous n’avons plus strictement rien à attendre de la justice dans une circonstance aussi grave que la mort crapuleuse d’un homme, la justice creuse sa propre tombe», s’est-il indigné.

L’ex-député Claudel Lubaya évoque un «crime d’État»

Comme beaucoup de Congolais, la thèse du suicide soutenue par la justice est d’emblée rejetée par l’ancien député Claudel Lubaya. Pour lui, l’enquête laisse entières beaucoup de questions auxquelles elle aurait dû apporter des réponses. La première et la principale question est la suivante : «Pour quelles raisons et dans quelles circonstances le défunt a-t-il trouvé la mort ?»

Suivent les autres interrogations : «Comment Chérubin Okende, qui chérissait la vie, pouvait-il la détruire en se suicidant de plusieurs balles, avec un fusil AK47, pour ensuite aller garer sa voiture alors qu’il était déjà mort ? Où sont les conclusions de l’autopsie ? Que sont devenus son garde du corps et son chauffeur qui étaient mis en détention comme premiers suspects ? Qu’ont-ils dit dans leurs dépositions ? Qui d’autre a été entendu, en dehors des membres de sa famille, dans le cadre de l’enquête ? Personne. Qui d’autre est soupçonné, dans le cadre de l’enquête ? Personne», constate le président du parti Union démocratique africaine Originelle (UDA Originelle).

Pour lui, la conclusion est évidente : «Il s’agit d’un crime de sang, un crime d’État, un affront au bon sens le plus élémentaire, une insulte à la mémoire du défunt et une tache de boue qui couvriront à jamais de honte le pouvoir qui, jusqu’au bout, aura tenté sans y parvenir de maquiller cet assassinat».

Claudel Lubaya rejoint l’avocat Laurent Onyemba en indiquant que cette annonce du procureur général «prive Okende de toute voie de recours, de tout procès, de toute justice». Il va plus loin en rejoignant Jacques Issongo de la Lucha. L’annonce «sonne le glas d’un pays dont le principal dirigeant avait déclaré la mort et, tout récemment, annoncé la maladie de ce qu’il reste de la justice». Et pour l’ancien parlementaire, le responsable de cet état de la justice congolaise est tout désigné : «Oui, la justice n’est pas malade d’elle-même. Elle l’est du fait de son chef suprême qui l’infantilise et la manipule à sa guise, pour en faire son outil de puissance personnelle et son arme de chantage au service de la terreur», conclut-il.

L’Association africaine de défense des droits de l’homme (ASADHO) donne de la voix

C’est par la voix de son président, Jean-Claude Katende, que l’ASADHO s’est prononcée sur ce sujet brûlant de l’actualité congolaise. Ici non plus, la conclusion de la justice congolaise ne passe pas : «La conclusion que les autorités en charge du dossier Okende ont rendue publique est la plus ridicule qui soit», a déclaré Jean-Claude Katende. Le président de l’ASADHO s’attaque par ailleurs à l’interdiction faite par la justice aux Congolais de critiquer les conclusions de son enquête. «Le fait que les autorités judiciaires aient menacé toute personne qui critiquerait cette décision, d’arrestation, démontre suffisamment qu’elles-mêmes sont convaincues que personne ne va croire à ce qu’elles ont dit. Elles ont oublié que la justice appartient au peuple congolais. Et que ce dernier a le droit de pouvoir commenter les décisions judiciaires», insiste-t-il.

Puis il ajoute, à l’attention du peuple : «le jour où le peuple congolais comprendra que la justice est rendue en son nom, ce jour-là, il osera interdire à certaines autorités judiciaires de se rendre au bureau ; tout simplement parce que celles-ci démontrent suffisamment qu’elles ne sont pas dignes de la confiance que le peuple congolais leur a faite de pouvoir rendre des justices qui renforcent la paix, l’équité et la justice».

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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