Le dernier maître du chaabi, Cheikh El-Hasnaoui, est décédé samedi dernier, à l’âge de 92 ans, à l’île de la Réunion. Il avait arrêté sa carrière musicale en 1968 mais son oeuvre continue de dominer la musique algérienne. Retour sur un artiste cultivant le secret.
La voix rocailleuse de Cheikh El-Hasnaoui s’est éteinte samedi dernier à l’île de la Réunion. L’artiste kabyle est parti comme il avait vécu : dans la discrétion. Cheikh El-Hasnaoui, Mohamed Khelouati pour l’état civil, avait arrêté de composer des chansons depuis 34 ans. Pourtant, il demeurait la grande référence du chaabi. Un symbole aussi de l’Algérie réconciliée avec ses identités. Alternant l’arabe dialectal et le kabyle, l’auteur de » La Maison Blanche » s’illustre dès les années 30 en créant son courant musical, un style reconnaissable à sa cascade de voix grave, au son lancinant du banjo et à ses textes douloureux. A cause d’un amour malheureux, il s’exile en France dès 1937. N’ayant pas pu épouser sa bien-aimée Fadhma, il décide de ne plus remettre les pieds chez lui du vivant de cette dernière.
L’exil, la vie et la mort
De Matoub Lounès à Aït Menguellet, tous les chanteurs kabyles se sont inspirés de la discographie de Cheikh El-Hasnaoui, pour sa musique ou sa thématique. L’exil a joué un rôle majeur dans la vie de l’artiste, quelques fois fait de souffrances mais souvent source de création.
« Son exil a servi l’Algérie en exprimant dans le contexte des plus grands bouleversements socio-économiques du XXe siècle, la sensibilité de ses compatriotes dans ce qu’elle a de vrai et de tragique », estime son biographe Rachid Mokhtari. Son parcours atypique qui l’a mené de sa profonde Kabylie à l’Océan indien a crée autour de lui une aura de mystère. Très engagé durant la guerre d’indépendance- il avait refusé de composer des chansons alors que ses compatriotes avaient pris les armes- il a quitté définitivement la scène artistique quelques années après 1962.
En partageant sa solitude avec les étoiles ( » Ya noudjoum el lil « ), en se demandant où ses pas le menaient ( » Sani sani « ), en pleurant son amour ( » Nadia « , » Fadhma « ) ou en maudissant l’exil ( » Lghrova « ), Cheikh El-Hasnaoui a toujours su trouver les justes mots et notes. Dans ses dernières compositions, très en avance sur son temps, il intègre des airs sud-américains dans des morceaux chaabi, réputés inaccessibles pour des oreilles profanes. Le grand maître est parti samedi dernier.