Le Théâtre du Vieux Colombier à Paris accueillait lundi 28 octobre 2024 une projection exceptionnelle du film de l’acteur Gaël Kamilindi, de la Comédie française, et de François-Xavier Destors, co-réalisateur avec lui, sobrement et lumineusement intitulé Didy, surnom affectueux de l’héroïne, Claudine Kamilindi, la mère tôt disparue de Gaël. Parmi les personnalités réunies ce soir-là, une femme exceptionnelle dont la présence était en elle-même un symbole, Louise Mushikiwabo, Secrétaire générale rwandaise de l’Organisation Internationale de la Francophonie.
La vie de Didy a été au coeur des drames humanitaires qui ont ravagé l’Afrique centrale au cours des dernières décennies, « là où notre siècle saigne« , comme aurait dit Aragon. Elle a été ballottée du Rwanda à Kinshasa en passant par le Burundi, au gré des vagues de migrations ethniques provoquées par les persécutions contre les Tutsi, dans une permanente quête de soi… Qui dégage une étonnante et paradoxale énergie vitale.
Le Rwanda, le Burundi et le Zaïre des années 80-90
L’Afrique des Grands lacs offre son cadre naturel somptueux à cette existence perdue dans les méandres de la mémoire de ses proches et dans l’inconscient orphelin du fils qui en est né, Gaël Kamilindi, fruit des nuits enflammées et joyeuses de Kinshasa, deux décennies après l’indépendance, rythmées par la Rumba congolaise et le rock’n roll, et portées par le formidable appétit de vivre d’une jeunesse élégante et joyeuse, malgré tout, malgré l’immense tragédie sanitaire que le VIH tisse en filigrane de la fête, malgré surtout les nuages qui s’accumulent à l’Est sur le pays des Mille Collines.
Le film suit donc Gaël Kamilindi dans la recomposition de cette histoire où s’enracinent ses origines, au fil des témoignages de ses tantes et de leurs proches, évoquant avec une précision pudique et encore incrédule les persécutions, puis les assassinats, en même temps que cette résilience prodigieuse des hommes et des femmes emportés dans les soubresauts d’une histoire qui les dépasse et broie leurs existences. La bêtise de la mécanique de l’horreur génocidaire affleure, discrètement, sous la justesse des mots.
Naître et renaître au croisement de deux tragédies majeures
La vie de Didy est fauchée à Bujumbura, à l’intersection exacte de ces deux tragédies majeures qui décimèrent l’Afrique centrale : le génocide et le Sida. Et Gaël Kamilindi se découvre lui-même en explorant ce passé, retrouvant la puissance de ses origines, la source de l’énergie vitale qui l’anime, cette joie de vivre qui déjoue les démons et surpasse les tragédies ressuscitées.
La force singulière de ce film qui doit absolument être vu, est de révéler l’humanité dans ce qu’elle a d’éternel : cette faculté intarissable de se perpétuer, de renaître de ses cendres, de panser ses plaies pour à nouveau créer, enfanter, inventer. La mémoire et la tragédie : deux écoles de grandeur humaine.