Jeudi 7 janvier: Rosarno une ville de 15000 habitants en Calabre, au sud de l’Italie. Une manifestation de plusieurs centaines d’ouvriers agricoles immigrés contre l’agression de plusieurs d’entre eux, cibles de tirs de fusil à air comprimé, dégénère…
Les manifestants incendient des voitures et brisent des vitrines à coups de bâtons et des affrontements éclatent avec la police.
Vendredi 8 janvier: des étrangers sont agressés par des habitants. Deux immigrés africains sont grièvement blessés à coups de barres de fer, cinq ont été volontairement renversés par des voitures, et deux autres, cibles de tirs de fusils de chasse, ont été légèrement blessés aux jambes.
Une centaine d’habitants armés de bâtons et de barres de fer ont érigé des barricades, notamment près d’un local où se trouvent de nombreux immigrés. Certains charrient des bidons d’essence et des massues. D’autres ont décidé d’occuper la mairie « jusqu’à ce que les immigrés soient éloignés ».
« Qu’ils s’en aillent, il faut qu’ils aient peur », déclare à la télévision un jeune habitant de la ville, tandis qu’un autre explique que: « C’est une protestation organisée ».
Samedi: La chasse à l’immigré continue. Un nouvel étranger est légèrement blessé par un tir de fusil de chasse. D’autres scènes de violence ont lieu. Chassés, les ouvriers étrangers, venus comme tous les ans récolter les agrumes, quittent la ville.
Bilan des violences: 31 immigrés, dont deux en état grave, ont été blessés.
Pour se défendre d’accusations racistes, un producteur local lance devant la presse: « les nègres nous les avons habillés et nourris, nous leur avons même offert des plats cuisinés à Noël ».
Mais qui cueillera désormais mandarines, oranges et kiwis à un tarif aussi compétitif ? Un travailleur africain reçoit seulement 20 à 25 euros par jour pour 12 à 14 heures de travail. Or le taux horaire minimum est de 8,86 euros bruts de l’heure, en France, par exemple…
On pourrait élargir la question à la plupart des pays de l’Union européenne, où l’exploitation des immigrés soutient des pans entiers de l’économie.
Je me suis imaginé Paris sans ses travailleurs immigrés.
A quoi ressemblerait la ville-lumière sans les milliers d’éboueurs africains qui ramassent aux aurores les ordures jonchant les rues de la capitale française ?
De quoi auraient l’air les milliers de bureaux sans ces femmes et hommes de ménage étrangers, qui, au petit matin ou tard le soir, récurent les sols et vident les poubelles ?
Qui récupérerait les enfants des cadres et autres à la sortie des écoles ? Les accompagnerait au toboggan ? Qui ferait la plonge dans les arrières-cuisines des restaurants ? En d’autres mots, qui s’acquitterait des tâches déshonorantes, ou pénibles, que les occidentaux dédaignent ?
Il faut prendre les transports en commun dans les grandes villes occidentales pour comprendre l’apport de la main d’oeuvre étrangère dans les économies du Nord.
Selon l’organisation humanitaire Caritas, les travailleurs immigrés sans papiers en Italie sont environ… deux millions, et représentent quelque 10% du Produit intérieur brut (PIB).
Payés parfois au lance-pierre, avec une couverture sociale dérisoire, déconsidérés, ou qualifiés de « moins-que-rien », les immigrés se tuent souvent à la tâche sans rechigner, trop contents souvent d’avoir un boulot pour assurer le quotidien et les besoins de ceux qui sont restés au pays.
Pour une fois qu’ils osent dénoncer les agressions -même pas leurs conditions de travail- dont certains sont victimes, la seule réponse qu’ils reçoivent est un « coup de pied au cul », et des décharges de chevrotine.
Pour reprendre la formule d’un autre producteur agricole de Rosarno, « l’année prochaine, les fruits resteront sur les arbres ».