Charlayn Léotin met à la disposition des professionnels des métiers de la beauté et des consommateurs sa connaissance des peaux colorées à travers son entreprise de conseil, Optimales. Un marché en pleine croissance qui suscite de plus en plus l’intérêt des grandes marques.
Charlayn Léotin se bat pour mieux faire connaître et comprendre les besoins des peaux colorées. Sa vocation naît à 14 ans quand elle rencontre une animatrice d’une grande ligne de cosmétiques. Après son baccalauréat, elle fait des études d’esthétique, de cosmétologie et se spécialise en marketing des produits de luxe. Elle enseigne tout en poursuivant sa carrière notamment en tant que directrice du développement et de la formation pour Fashion Fair Cosmetics ou encore Gazelle international. Après une dizaine d’années passées comme consultante et un long séjour au Canada, elle créée en France, Optimales. Une entreprise de conseil qu’elle met au service de la communauté francophone. Permettre aux femmes à la peau colorée d’être matures dans leurs choix de consommation en matière d’esthétique et de coiffure reste son objectif majeur. Rencontre avec une femme optimale.
Beautés d’Afrik : Quel est le concept fondateur d’Optimales ?
Charlayn Léotin : Optimales se veut le trait d’union entre les professionnels et une clientèle qu’ils ont du mal à appréhender et qui est pourtant en forte croissance : celle des personnes ayant une ascendance africaine, asiatique, indienne, arabe et tous ceux qui sont issus d’un métissage. Ce marché représente aujourd’hui plus de 50 % de la population mondiale. Forte de mon expérience dans les métiers de la beauté, je propose des modules de formation et d’information à un public diversifié qui va des élèves aux enseignants en passant par les professionnels et les industriels qui opèrent dans le secteur des cosmétiques. En France, la seule référence dans l’enseignement professionnel en matière d’esthétique reste la peau blanche. Ce qui est complètement en décalage avec la réalité actuelle dans nos cités.
Beautés d’Afrik : Ce décalage, voire cette mise à l’écart, est-elle la raison d’être de ce concept ?
Charlayn Léotin : Je m’oppose à la segmentation entre les différents types de peau qui contribue in fine à isoler les individus. En m’appuyant sur des données scientifiques, compilées au long de mon parcours professionnel, en Europe et aux Etats-Unis, j’en suis arrivée à la conclusion que les métiers de la beauté s’adressent avant tout à des personnes qui n’ont que des particularités. En ce qui concerne la femme noire, je constate qu’elle n’a pas encore les moyens d’être optimale dans ses choix. Alors que c’est une grande consommatrice de produits de beauté. En matière de soins capillaires ou de soins esthétiques, elle est toujours moyennement satisfaite où qu’elle aille. Par exemple, les coiffeurs européens ont généralement la technique mais ne connaissent pas les particularités de nos cheveux, les nôtres, quant à eux, ont souvent des lacunes sur le plan théorique et par conséquent sur le plan technique. Il est important que la femme noire devienne exigeante et mature en matière de cosmétiques, de soins capillaires ou esthétiques. Il faut qu’elle apprenne à se connaître pour exiger des professionnels de la beauté une approche plus juste de ses singularités.
Beautés d’Afrik : Que pensez-vous du terme « ethno-cosmétique » (lien), n’est-ce pas la matérialisation de l’isolation dont vous parliez ?
Charlayn Léotin : L’ethno-cosmétique n’est qu’un concept marketing ! Est-ce-que des marques comme Shiseido ou Kanebo ont été taxées d’ethniques quand elles se sont implantées en France ? L’objectif de Shiseido était de montrer que les techniques japonaises de soins pouvaient s’adapter à des groupes de consommateurs autres qu’asiatiques. Comme je vous l’ai déjà dit, je m’oppose à cette segmentation rapide et un peu simpliste. Je me vis comme une consommatrice à part entière. Les divers acteurs du marché de la parfumerie sélective se doivent de pouvoir me satisfaire de façon optimale en France comme ils le font en Angleterre, en Italie ou encore aux Etats-Unis.
Beautés d’Afrik : Comment expliquez-vous l’engouement que des marques comme L’Oréal ont pour le marché « ethnique » ?
Charlayn Léotin : Il n’y a pas d’engouement soudain! L’Oréal a depuis bien longtemps tenté de conquérir ce marché avec des marques comme Goldys ou L’Oréal Radiant qui selon moi avaient le grand mérite de revêtir très clairement le label L’Oréal. Ce qui leur a manqué, à l’instar de grandes marques en France, c’est la technique marketing pour se rapprocher de leur cible. Il a été sans doute plus aisé pour eux de racheter des marques qui existaient déjà aux Etats-Unis. Des entreprises auxquelles L’Oréal a apporté son savoir-faire technologique tout en profitant de leur notoriété. Une notoriété qui s’appuie sur l’image de la femme bien américaine. Nous sommes, dans le monde de la francophonie, tellement en manque d’identification. C’est tout simplement du travail de marketing sophistiqué !
Beautés d’Afrik : Vous avez développé la notion de beauté culture, à quoi renvoie-t-elle ?
Charlayn Léotin : C’est une démarche humaniste qui vise à comprendre et à connaître les gens. Quand les gens se dépigmentent, il faut avant tout connaître et comprendre les habitudes culturelles qui expliquent cette pratique. Cela afin d’éviter de tenir un langage catégorique que les gens refusent d’entendre. Les gens ne disent d’ailleurs pas qu’ils se « blanchissent » mais qu’ils « veulent avoir un beau teint ». Il ne suffit pas de leur dire de but en blanc d’arrêter. Concevoir des produits qui permettent d’équilibrer avec succès le teint serait une démarche alternative, comme cela se fait en Asie. Eh oui ! Les Japonais sont de très grands consommateurs de produits dépigmentants qui « blanchissent » la peau. A la différence près qu’eux sont traités comme des consommateurs matures et exigeants. Ce qu’ils sont en réalité…beaucoup plus que nous !