Cessez-le-feu en RDC : le chien aboie, la caravane passe


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Des rebelles du M23
Des rebelles du M23

En RDC, tout se passe comme s’il n’y avait aucun cessez-le-feu en vigueur. Les combats n’ont jamais cessé d’opposer les troupes congolaises (armée et milices pro-gouvernementales) aux rebelles du M23 soutenus par le Rwanda. Dès le départ, le M23 avait annoncé les couleurs en indiquant ne pas se sentir « automatiquement » lié par l’accord conclu, le 30 juillet, à Luanda. Et sur le terrain, le groupe rebelle marche effectivement suivant cette ligne, prenant chaque jour le contrôle de nouvelles localités congolaises.

Ce samedi 24 et ce dimanche 25 août 2024, le cessez-le-feu en cours entre la RDC et le Rwanda est, une fois de plus, violé. Comme depuis le début, et comme l’a aussi été la trêve humanitaire de deux fois deux semaines négociée par les États-Unis en juillet dernier. Samedi, l’axe Kironko, près de Buguri en territoire de Masisi (province du Nord-Kivu), a été le théâtre de violents affrontements entre les rebelles du M23 et les forces congolaises.

Un cessez-le-feu sans cesser le feu

Plus tôt dans la semaine, les Wazalendo étaient aux prises avec les rebelles dans la région de Katwa, en territoire de Lubero, toujours dans la province du Nord-Kivu. Selon la partie congolaise, le M23 est chaque fois à l’initiative dans ces attaques. « Ces derniers temps, si vous remarquez très bien, c’est l’armée rwandaise et ses supplétifs, le M23, qui sont en train de violer le cessez-le-feu. Vous l’avez suivi dans le Masisi. Et ici aussi au niveau du territoire de Lubero, ils ont fait la même chose », a déclaré le colonel Alain Kiwewa, administrateur du territoire. Des propos du colonel, il ressort également qu’après avoir attaqué les Wazalendo, les rebelles du M23 ont avancé jusqu’à Kikuvho. Mais, le militaire précise que l’armée n’a pas bougé de sa position initiale. Ce dimanche, les combats se sont poursuivis à Kikuvho, sur l’axe principal Matembe-Kirumba entre les rebelles et les FARDC.

À quoi sert véritablement le cessez-le-feu ?

La question mérite d’être posée, puisque depuis son entrée en vigueur, le dimanche 4 août 2024, le cessez-le-feu n’a cessé d’être violé. Et chaque fois, la partie congolaise accuse le M23 d’être à la base de ces violations qui lui profitent. Puisque le groupe rebelle soutenu par le Rwanda gagne continuellement du terrain face à une armée congolaise qui semble à bout de force, submergée par les événements. En réalité, rien n’étonne dans l’attitude du M23 qui viole constamment le cessez-le-feu.

Dès la signature de l’accord sur ce cessez-le-feu à Luanda, le 30 juillet, les responsables du M23 sont rapidement montés au créneau pour indiquer qu’ils ne se sentaient pas « automatiquement » liés par ledit accord. À l’occasion de cette sortie, ils ont une fois de plus réclamé ce qu’ils demandaient depuis plusieurs mois, à savoir : des négociations directes avec le gouvernement congolais. Une requête rejetée avec force par le Président congolais, dès le départ. Dès lors, le cessez-le-feu de Luanda passe à la manière de tous les cessez-le-feu obtenus par le passé, comme un cautère sur une jambe de bois. En tout cas, sur le terrain, le constat est patent.

Blocage à Luanda

À Luanda, les négociations marquent le pas. La dernière rencontre ministérielle tenue du 20 au 22 août 2024 dans la capitale angolaise n’a pas permis de noter une avancée sensible. Si le plan de neutralisation des FDLR voulu par le Rwanda a été adopté, et que les différentes parties sont tombées d’accord sur la nécessité de renforcer le mécanisme de vérification ad hoc du cessez-le-feu, les positions butent sur la demande congolaise du retrait des troupes rwandaises de son territoire et l’arrêt du soutien du Rwanda au M23. Les trois ministres des Affaires étrangères devront se pencher sur ces points de blocage lors d’une nouvelle rencontre prévue pour les 9 et 10 septembre à Luanda. Cette rencontre sera précédée d’une réunion d’experts qui se tiendra toujours dans la capitale angolaise, du 29 au 30 août 2024.

Tous les Congolais ne voient pas dans le processus de Luanda la voie de pacification de l’Est de leur pays. C’est le cas des responsables de la coalition Lamuka aux yeux de qui il n’y a aucun espoir dans ce processus. « Nous exigeons que Monsieur Félix Tshisekedi retire notre pays de ces pourparlers hypocrites. Continuer à croire naïvement que Paul Kagame est un facteur de paix ou de stabilité en faveur du Congo est une faute grave », a déclaré Prince Epenge, un responsable de la coalition, vendredi dernier.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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