Hommes de lettres et politiques africains sont unanimes. L’héritage d’Aimé Césaire est « énorme », sont décès laisse « un grand vide » tant il a contribué à « la prise de conscience par l’Homme noir de sa condition et aussi de la prise de conscience par le reste du monde de la condition de l’Homme noir ».
« Ce qu’on retiendra, c’est le chant de la négritude et la lutte contre le colonialisme ». Ces mots du président sénégalais, Abdoulaye Wade, résument le sentiment des Africains qui ont commencé à rendre hommage au chantre de la négritude Aimé Césaire décédé, jeudi matin, dans sa 95e année en Martinique. « C’était un homme d’une dimension mondiale, note Cheikh Hamidou Kane, auteur de L’Aventure ambiguë. « Un Noir qui a acquis une stature mondiale du fait de la prise de conscience par l’Homme noir de sa condition et aussi de la prise de conscience par le reste du monde de la condition de l’Homme noir. (Aimé Césaire) a éveillé à cette conscience de l’identité noire non seulement les Noirs de la diaspora mais, nous, les Noirs d’Afrique ». « Il était vraiment très Sénégalais, très Africain, ajouté l’écrivain. C’était admirable car au moment où il a vécu les Antillais, que les Africains connaissaient, étaient considérés un peu comme des auxiliaires du colonisateur, comme des Français à peau noire ».
« C’est énorme ce qu’(Aimé Césaire) nous a laissé »
Les Sénégalais rendent un vibrant hommage au « compagnon d’armes » de Léopold Sédar Senghor. Hamidou Dia, écrivain et ami du poète martiniquais, qui l’a qualifié de « nègre fondamental » souligne que « c’est avec un de nos compatriotes (Léopold Sédar Senghor) qu’il a fondé le mouvement de la Négritude, (…) un mot qui a été inventé par (Aimé Césaire) ». Abdou Diouf, un autre Sénégalais, le successeur de l’enfant de Joal au poste de secrétaire général de la Francophonie, « salue la mémoire d’un homme qui a consacré sa vie aux multiples combats menés sur tous les champs de bataille où se jouait le destin culturel et politique de ses frères de race, un combat noble car exempt de cette haine qu’il avait en horreur ». Pour lui, le poète « a su prendre les dimensions de l’univers, tout en restant profondément attaché aux valeurs culturelles du monde noir ». Enfin, a-t-il indiqué dans un communiqué, un homme « qui a vécu sa francophonie dans l’abondance de ses œuvres qui font chanter la langue que nous avons en partagé ».
C’est à aussi à son héritage que fait allusion le Béninois Albert Tévoédjrè. « C’est énorme ce qu’(Aimé Césaire) nous a laissé ». L’économiste et homme de lettres, 78 ans, se souvient encore des mots du poète martiniquais lors du Congrès de Paris : « le Nègre doit se lever, crier, être debout »’. L’ancien dirigeant de la Fédération des étudiants d’Afrique Noire en France et co-fondateur du Mouvement africain de libération nationale, s’est dit « très troublé par cette disparition qui va laisser en Afrique et dans le monde noir un très très grand vide », sur les ondes de Radio France internationale (RFI). Le président ivoirien Laurent Gbagbo n’en pense pas moins. « Pour l’Afrique, a-t-il déclaré dans un communiqué publié à Abidjan, le monde noir, la francophonie et notre humanité, un phare vient de s’éteindre ».
« Une sorte de prophète pour le monde noir »
Jean-Claude Gakosso, le ministre congolais de la Culture et des Arts, a affirmé pour sa part que « c’est un baobab qui vient de tomber ». Selon lui, Aimé Césaire aura « profondément marqué la jeunesse africaine », un exemple à suivre pour elle. « Césaire était une sorte de prophète pour le monde noir », a-t-il poursuivi. Et Cheikh Amidou Kane de regretter que cet homme exceptionnel « n’ait pas été honoré, consacré, salué comme il le méritait au plan international » par un « un prix Nobel, de la paix ou de la littérature », « comme l’a été Léopold Sedar Senghor, par l’Académie française». Les obsèques nationales d’Aimé Césaire se dérouleront dimanche en Martinique, à Fort-de-France, en présence du président français Nicolas Sarkozy qu’il avait refusé de recevoir en 2005. Fidèle à lui même, Aimé Césaire avait ainsi exprimé son opposition à la loi sur le rôle positif de la colonisation votée par la droite française.