Depuis mardi, la nouvelle ministre française de la Justice est au coeur d’une vive polémique: elle aurait empêché la publication par le magazine populaire Paris Match de photos datant de son enfance, provoquant l’indignation des syndicats de l’hebdomadaire.
Ces derniers ont dénoncé «des pressions exercées par la garde des Sceaux visant à empêcher la publication de photos de jeunesse». Pour justifier cette censure, la direction de Paris Match a expliqué que Rachida Dati lui avait fait savoir que «ni elle ni ses frères et soeurs ne souhaitaient la publication de photos de famille dans ce reportage». «Comme ces photos ont un caractère privé, et malgré leur côté un peu banal – il s’agit de scènes d’enfance -, nous avons décidé de respecter la loi», a notamment déclaré le directeur de la rédaction de Paris Match.
Pourtant, selon les syndicats de Paris Match, la reproduction de ces clichés, qualifiés de «banales photos de famille», avait été autorisée par le père de Rachida Dati, longuement rencontré par les reporters du magazine pour évoquer avec eux l’enfance de la nouvelle ministre.
Au-delà du fait que ces pressions risquent de ternir l’image de la nouvelle ministre accusée d’avoir usé de son pouvoir pour empêcher des journalistes d’écrire librement, le refus d’autoriser la publication de photos d’enfance soulève des interrogations concernant les réelles motivations de Rachida Dati. Tout au long de la campagne électorale, Nicolas Sarkozy avait volontairement présentée sa porte-parole comme un exemple de «réussite». D’origine algéro-marocaine – son père est marocain et sa mère algérienne -, Rachida Dati est en effet l’aînée d’une famille nombreuse de 12 enfants. Pour financer ses études, elle a dû commencer à travailler très jeune, souvent dans des conditions difficiles, avant de croiser le chemin de plusieurs personnalités influentes, proches de la droite. Ces dernières l’ont par la suite aidée et soutenue dans ses démarches.
Des images en contradiction avec la communication du Président ?
Pour le candidat Sarkozy, Rachida Dati symbolisait ce qu’il proposait justement aux Français: ceux qui travaillent dur ont des chances de réussir. Et Rachida Dati avait accepté de se prêter à ce jeu essentiellement pour séduire les électeurs arabes d’origine modeste, en quête de modèle de réussite, issus de leur communauté et les électeurs français d’origine modeste inquiets pour leur avenir.
Mais à présent que Nicolas Sarkozy est élu président de la République et Rachida Dati nommée ministre de la Justice, cette stratégie de communication risque de s’avérer dangereuse. Montrer des photos de Rachida Dati enfant, entourée de ses nombreux frères et soeurs sur les visages desquels les difficultés de la vie seraient visibles, ne correspond plus à la France que veut construire Nicolas Sarkozy: celle des riches, des avions privés et des croisières en yacht de luxe au large de Malte.
La semaine dernière, la nouvelle ministre faisait partie des rares invités de la famille Sarkozy pour dîner sur un bateau au large de Saint-Tropez, une luxueuse station balnéaire du sud de la France. Un moment immortalisée par les clichés des photographes des magazines populaires, Rachida Dati ne pouvait pas laisser de «banales photos de famille» brouiller cette belle image.
Rabah Yanis, pour Le Quotidien d’Oran
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