Depuis les années 80 et l’émergence de ce que l’on a appelé alors la littérature « beur », les auteurs d’origine maghrébine ont réussi à s’imposer dans le milieu littéraire français. Dans le cadre du 12e Maghreb des Livres (25-26 février 2006 à Paris), Afrik se penche sur ces écrivains de talents. L’article n’est évidemment pas exhaustif.
La littérature « beur » est apparue dans les années 80. Une littérature produite en français par des écrivains issus de la deuxième génération de l’immigration maghrébine en France. Le coup d’envoi est donné en 1983 par Mehdi Charef, né en Algérie en 1954 et vivant en France depuis 1962, avec Le thé au harem d’Archi Ahmed. Parmi ceux qui lui emboîtent le pas : Nacer Kettane (aujourd’hui directeur de Beur FM), Farida Belghoul, Akli Tadjer ou encore le sociologue Azouz Begag, actuellement ministre délégué à la Promotion de l’égalité des chances. C’est ce dernier qui est le plus prolixe des pionniers puisqu’il compte aujourd’hui une vingtaine d’ouvrages à son actif.
« Encensés moins pour leurs mérites que par condescendance et paternalisme, les écrivains-pionniers sont piégés par le double jeu du discours sur l’intégration : ils sont d’autant plus flattés qu’ils acceptent d’être clairement désignés, puis enfermés dans des catégories convenues. La décennie suivante verra de nouveaux auteurs émerger, qui refuseront de jouer le jeu. En se réappropriant leur histoire, en multipliant les genres et les formes stylistiques, ils entendront bien être reconnus pour ce qu’ils font et non plus pour ce qu’ils sont », explique le journaliste Mustapha Harzoune dans un de ses articles.
Diversité des imaginaires
Dans les années 90, les auteurs issus de familles maghrébines refusent la logique communautaire, aspirent à l’universel et font tomber en désuétude le mot « beur », certains le détournant dans leurs titres, comme Mehdi Lallaoui avec Les Beurs de Seine ou Ferrudja Kessas avec Beur’s story. Ils imposent des styles très personnels, et Mustapha Harzoune remarque une « diversité dans les thèmes, les imaginaires et les écritures », précisant : « même lorsque le thème renvoie encore à l’immigration, l’approche a changé du tout au tout ». A la fin des années 90, puis au début des années 2000, certains auteurs ont de beaux succès à la fois critiques et commerciaux comme Paul Smaïl, avec un premier tirage d’Ali le magnifique à 30 000 exemplaires. On peut encore citer Mehdi Belhadj Kacem ou Lakhdar Belaïd et son Sérail Killer. Le plus médiatisé est Rachid Djaïdani, avec Boumkoeur, en 1999. Le livre, vendu à plus de 90 000 exemplaires, raconte la vie dans les cités. Dans la même veine, Kiffe kiffe demain (2004), premier roman écrit à 19 ans par Faïza Guène, a été très remarqué. On a même surnommé la jeune auteur de « Sagan des banlieues »…
D’autres encore raflent de nombreux prix. Il en est ainsi de Nina Bouraoui, née d’un père algérien et d’une mère bretonne. Son premier livre, en 1991, La voyeuse interdite, reçoit le Prix Livre Inter. En 2005, elle obtient le Prix Renaudot pour Mes mauvaises pensées (Stock). « L’écriture, c’est mon vrai pays, le seul dans lequel je vis vraiment, la seule terre que je maîtrise », explique-t-elle. Enfin, l’une des révélations de l’année 2005 est un Français d’origine tunisienne, Hédi Kaddour, avec son imposant Waltenberg qui a reçu le Prix du Premier roman.