Ces djihadistes français en guerre contre la France


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Plusieurs jeunes français qui se disent djihadistes se sont rendus au Mali pour combattre auprès des groupes terroristes. Ils ont combattu contre les forces de leur pays : la France. Itinéraire de quelques uns d’entre eux.

Le Mali, nouveau nid des djihadistes français. Une dizaine de jeunes issus de l’Hexagone n’ont pas hésité à s’y rendre pour combattre auprès des groupes armés terroristes. Paradoxe. Il s’agit de prendre part à la guerre contre la France, d’où ils sont originaires. Quelques-uns d’entre eux ont donc rejoint leurs instigateurs dans le nord-Mali, dans le massif des Ifoghas, où les anciens maîtres de la région sont retranchés.

Le cas de Djamel, ce jeune franco-algérien de 37 ans, arrêté début mars dans le nord du Mali par les soldats français avant d’être rapatriés en France, a particulièrement fait parler de lui. La sœur de ce jeune homme a dénoncé ses actes lors d’un entretien accordé au journal Le Parisien publiée le 18 mars : « J’ai honte de ce qu’il a fait », fustige-t-elle. Selon cette mère de famille de 30 ans, il a « commis le pire du pire : combattre les troupes françaises alors que c’est la France qui l’a fait grandir, lui a permis d’étudier, de travailler, d’avoir une femme, des enfants ».

La jeune femme, qui réside en Isère, retrace l’itinéraire du jeune homme. Le plus étonnant dans cette affaire est qu’avant que Djamel ne devienne un djihadiste, il a longuement servit dans la police : « A la fin des années 1990, il a travaillé dans la police. A la BAC, la brigade anti-criminalité de Grenoble. Il a donc porté l’uniforme français. C’est vrai que cela peut paraître hallucinant, lorsqu’on voit ce qu’il est devenu aujourd’hui ». D’après son récit, il a quitté la police après avoir dû lui-même arrêté son propre frère, lui valant les railleries de ses collègues.

De la police au djihadisme

Durant sa jeunesse, le jeune homme qui a obtenu la nationalité française à sa majorité, a également pratiqué de l’athlétisme de haut niveau. Il a aussi vécu longtemps dans la région grenobloise, puis à Bonneville, en Haute Savoie, où il a rencontré sa femme, avec laquelle il a eu trois enfants, dont il s’est séparé en 2005. C’est précisément à la suite de son divorce, raconte sa sœur, qu’il a commencé à fréquenter des milieux extrémistes qui tentaient d’endoctriner des jeunes.

Toutefois après l’arrestation du jeune franco-algérien par les autorités françaises, le président François Hollande s’est voulu rassurant, affirmant qu’on ne peut pas parler de filières djihadistes en France : « Je ne pense pas qu’on puisse parler de filière. Il y a effectivement un certain nombre de concitoyens perdus, parfois travaillés par des milieux extrémistes et fondamentalistes, qui peuvent se retrouver sur un certain nombre de théâtres d’opérations ».

Un autre présumé djihadiste nommé Ibrahim Aziz Ouattara, 24 ans, avait été arrêté en novembre 2012 au Mali, dans la région de Sévaré, puis extradé directement en France, où il a été écroué. Possédant la double nationalité franco-malienne, il voyageait avec un faux passeport sénégalais sous le nom de Khalife Dramé. La justice française a été avisée de l’affaire par les autorités maliennes suite à l’interpellation du jeune homme dans le centre du pays.

Les autorités maliennes avaient, quant à elles, précisé sur RFI qu’ Ibrahim Aziz Ouattara était « un peu l’élément précurseur d’une dizaine de personnes de différentes nationalités qui seraient en France, qui restent en France, composées de Tunisiens, d’Algériens, de Sénégalais et bien sûr de Français. Il est venu tâter le terrain et voir dans quelle mesure il peut réussir à faire rentrer les autres membres du groupe. »

Des séjours au Pakistan et au Yemen

Ibrahim Ouattara, né en 1988, à Aubervilliers en Seine-Saint-Denis, est déjà connu des services de renseignements français antiterroristes, selon Le Monde. Il avait été mis en examen en novembre 2010 pour association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste dans le cadre d’une enquête sur des soupçons de projet d’attentat contre le recteur de la Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur.

Les soupçons ont commencé à peser sur lui suite à sa subite disparition. La justice française s’est alors intéressée à ses différents séjours, notamment au Pakistan. Il y aurait appris à manier une kalachnikov, avant de se rendre au Yemen où, d’après lui, il comptait s’installer avec ses deux épouses. Mais il est finalement interpellé par les autorités yéménites pour défaut de visa. Renvoyé en France, il est arrêté à l’aéroport de Roissy et entendu comme un simple témoin par les policiers de la section antiterroriste de la brigade anti-criminelle. Cette dernière le laisse s’en aller malgré les idées radicales qu’il affiche mais le signale à la DCRI.

Menaces contre la France

En octobre dernier, le juge antiterroriste français Marc Trévidic avait confié à l’AFP ses craintes concernant la multiplication de djihadistes français se rendant au Mali, soulignant que « la communauté malienne est importante en France ». Toutefois, selon lui, même si « ce n’est pas très surprenant, cela n’a encore rien de dramatique ».

La menace est pour autant à ne pas prendre à la légère estiment certains observateurs français. Le chercheur spécialiste des groupes terroriste au Mali, André Bourgeot, contacté par Afrik.com, se « demande même si l’engagement de la France au Mali n’aurait pas incité ces jeunes à se rendre dans le nord pour combattre auprès des groupes armés terroristes ».

Le 9 octobre dernier, en effet, le site mauritanien d’informations Sahara Médias a mis en ligne une vidéo en ligne d’un djihadiste français sous le pseudo d’Andel Jelil. L’homme à la barbe épaisse met en garde les Etats-Unis et l’Onu contre une intervention militaire dans le nord du Mali : « Votre intervention dans le Sahel et plus particulièrement dans le nord du Mali sera la cause d’une sédition et d’une catastrophe humaine et humanitaire », prévient-il.

Le Mali ne semble pas être la seule destination prisée par les apprentis djihadistes français. Pas plus tard que le mois d’août dernier, Cédric Lobo, un autre français, avait été interpellé à Niamey par les autorités nigériennes alors qu’il tentait de rejoindre des groupes terroristes au nord-Mali avant d’être extradé vers la France et écroué.

Même si Paris a toujours tenté de minimiser leurs actions, il est clair désormais que les agissements des présumés djihadistes en provenance de l’exagone seront scrutés à la loupe pour éviter qu’un nid soit tissé un peu partout en Afrique.

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