Ces boat people aux portes de l’Europe (2) : pourquoi l’on meurt dans le détroit


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Globe terrestre
Globe terrestre représentant une partie de l'Afrique

L’économie andalouse a besoin de bras. La tentation est grande pour les décideurs politiques et économiques d’encourager en sous main une immigration clandestine. Au grand bonheur des trafiquants de main d’oeuvre. Un sujet brûlant au moment où l’Europe s’engage sur la voie d’une législation communautaire.

Seconde partie de notre série consacrée aux Africains qui rejoignent l’Europe sur des barques de fortune

Des carences en main d’oeuvre, une législation européenne inadaptée, une loi de régularisation : tels sont les ressorts d’un mouvement d’immigration désespérée entre le Maroc et l’Espagne, aux conséquences humaines incalculables.

Difficile de fournir un bilan des victimes depuis le début de l’année, de ceux qui ont sombré avec leurs barques au milieu du détroit de Gibraltar au nord, au sud, entre l’île canarienne de Fuertaventura et le cap July. Le ministère de l’Intérieur espagnol s’ y est refusé. Nombre de corps ne seront jamais retrouvés. Et le chiffre des disparus paraît encore plus difficile à déterminer, en raison de la nature illicite du phénomène. Toutefois l’association de défense des droits de l’Homme andalouse a, elle, estimé à 200 le nombre de noyés depuis janvier.

Accoucher en Espagne

Des voix s’élèvent en terre ibérique pour dire que la nouvelle loi de régularisation votée par le Parlement au début de l’année a fait l’effet d’un véritable tocsin pour le départ.

 » Les passeurs affirment aux candidats qu’ils seront régularisés pour les décider, explique un responsable d’une association de soutien aux immigrés basée à Cadix. Bien sûr, ils mentent : la loi de régularisation ne concernera que les immigrés vivant en Espagne. Et non pas ceux qui arrivent à peine « . Parmi les candidats à l’exil : de plus en plus de femmes enceintes espérant accoucher en Espagne, y être d’abord tolérées pour cause humanitaire, puis régularisables en tant que mère d’un enfant né sur place. Début avril, une Nigeriane de 19 ans a enfanté à l’Hôpital de Fuertaventura, deux jours après avoir posé pied sur l’archipel des Canaries. Deux compatriotes, également enceintes, n’ont pas eu cette chance. Elles ont fait naufrage, le 15 avril, à quelques milles nautiques de la terre promise.

Lors du récent sommet hispano-marocain, les autorités de Madrid et de Rabat se sont engagées à éradiquer les  » mafias «  qui, comme l’a reconnu l’ambassadeur marocain en Espagne,  » bénéficient de complicités des deux côtés du détroit « . Mais sur place, on n’y croit guère :  » Le poumon économique de l’Andalousie, c’est l’agriculture. En devenant le jardin de l’Europe, la région décolle. Mais il faut des bras pour cela. C’est vital « , explique un syndicaliste d’El Ejido, petite ville voisine d’Algésiras qui a été le théâtre en janvier d’émeutes raciales.

Jamais inquiétés

Et l’homme d’origine marocaine d’ajouter :  » Il y a dans la région entre cinq et 10 000 clandestins, des hommes pour la plupart. Presque tous aux champs et presque tous au noir. Cela serait impossible sans le soutien tacite des chambres patronales, de la région autonome, des municipalités et de la police. Sinon comment expliquer que les clandestins circulent aussi tranquillement dans la rue et en tel nombre ? Comment expliquer que des chefs d’exploitations qui tournent avec parfois des centaines de « sans papiers » ne soient jamais inquiétés ? « 

Dernier maillon de la chaîne : l’Europe qui laisse l’Andalousie gérer le problème  » seule et à sa façon « .  » Personne n’a envie de passer sa vie à dormir près des serres en plastique. Beaucoup de clandestins rentrent chez eux après la saison. Il suffirait d’octroyer des visas et des autorisations de travail provisoires pour que les choses se fassent proprement. Faute de mieux les gens meurent « , conclut le syndicaliste amèrement.

A suivre

Retrouvez la première partie de notre enquête

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