Les sans-papiers des trois centres de rétention administrative du Mesnil-Amelot et de Vincennes mènent un mouvement de protestation depuis le mois de décembre. Nombre d’entre eux ont entamé une grève de la faim pour manifester contre leurs conditions d’arrestation et de détention dans ces trois centres de la région parisienne. L’un de leurs leaders, le Gabonais Paul Wem, a été expulsé ce vendredi. Afrik.com fait le point sur le mouvement.
« Liberté, liberté, liberté ! », tels sont les mots scandés par les sans-papiers détenus, depuis le 20 décembre, dans les centres de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Almot et de Vincennes, en banlieue parisienne. C’est pour manifester contre les conditions d’arrestation et de détention que certains d’entre-eux ont entamé une grève de la faim. Selon Paul Wem, l’un des leaders de ce mouvement, détenu à Mesnil-Almot où la contestation a débuté, et expulsé ce vendredi, il faut « arrêter la chasse à l’homme ». Cela faisait deux ans qu’il était en France, tantôt cuisinier, tantôt serveur, il faisait partie de cette France qui se lève tôt et qui contribue à l’essor de l’économie du pays.
La chasse à l’homme est déclarée
Pour lui, « les contrôles sont systématiques, les préfectures et les commissariats font de fausses convocations pour piéger les sans-papiers, c’est honteux ». Depuis la mise en place d’une politique du chiffre par Brice Hortefeux, le ministre français de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité national et du Codéveloppement, visant à atteindre les 25 000 expulsions, les rafles se sont accélérés. « Il y a des parents ici, leurs enfants sont nés en France, il est inhumain de les séparer », a expliqué Paul Wem à Afrik.com, alors qu’il avait entamé une grève de la faim depuis neuf jours en soutien aux autres détenus. Outre la séparation des familles, le leader de ce mouvement protestait contre les conditions de vie en rétention.
Pour lui, « nul ne peut vivre ici, on est à deux cent mètres d’une piste d’atterrissage, les chambres ont la même superficie que des salles de bain standards ». A cela s’ajoute, le manque de personnel médical. « Il y a des infirmières, mais elles ne font que les soins de base, alors quand on est vraiment malades, il faut attendre plusieurs jours avant d’être transféré vers un hôpital », notait Paul Wem. « Moi, je ne proteste pas contre mon expulsion, j’ai commis une infraction, j’ai été interpellé alors que j’étais sans-papier, on veut m’expulser, j’accepte mon sort », a-t-il ajouté. Il nous a cependant confié à demi-mot qu’il n’a plus personne à contacter dans son pays, le Gabon, qu’il a quitté voilà seize ans. « Je vais retourner dans un pays que je connais très peu, sans argent, je sais ce qui m’attend, les centres d’aide social qui sont loin d’être formidables en Afrique », nous a expliqué le leader du mouvement.
Des conditions de détention précaires
On retrouve ces mêmes revendications au centre de rétention de Vincennes. « Des petites chambres, de la nourriture périmée, voilà notre quotidien », nous a confié Saïd, un sans-papier marocain en grève de la faim lui aussi. Selon ce retenu, des violences auraient cours dans le CRA. « Les policiers m’on frappé et ils m’ont craché dans le dos ». Pour l’heure, aucun communiqué du Réseau éducation sans frontière (RESF) ne fait état de blessés chez les retenus. Cependant, une personne couverte de bleus aurait été recensée. Sans aller jusqu’à parler de violence, Mamadi Traoré, un sans papier malien, en France depuis huit ans, parle d’irrespect. « Les policiers nous traitent comme de vulgaires animaux, fais ci, fais ça, on n’est pas des chiens ! », s’insurge t-il. Selon les retenus, le CRA de Vincennes comptait, jeudi, 70 personnes en grève de la faim. Un mouvement qui n’est pas prêt de s’arrêter aux dires des sans-papiers.
Quelques 200 personnes ont manifesté, jeudi dernier, à l’appel du 9ème collectif des sans-papiers de Paris, pour demander la régularisation des retenus et exprimer leur soutien. Pour diminuer la pression médiatique, la préfecture de police de Paris a invité la presse à visiter vendredi les deux centres de Paris-Vincennes où les retenus dénoncent leur expulsion plutôt que les conditions de détention. Cependant, une mobilisation européenne est prévue le 19 janvier dans toutes les villes où se trouve un CRA. Cette manifestation, organisée sous la houlette de RSF, visera à protester contre une directive qui prévoit la possibilité de porter la durée de rétention administrative à 18 mois au lieu des 32 jours en vigueur en France