L’Etat reprend progressivement possession du territoire en Centrafrique. La ville de Bria, au centre-est du pays, peut témoigner de cette réappropriation. Elle était la capitale du diamant avant la guerre, puis elle était devenue la base arrière de la rébellion séléka dans son avancé vers Bangui, capitale du pays. Aujourd’hui, des gendarmes en uniforme patrouillent régulièrement dans Bria.
Les rebelles de l’ex-séléka sont omniprésents dans Bria, au centre-est de la Centrafrique. Ils sont pourtant cantonnés depuis l’entrée dans la ville de la force française Sangaris et celle africaine de la Mission internationale de soutient à la Centrafrique (MISCA), début avril. Ils tiennent toujours les quartiers et opèrent un contrôle certain sur la population locale. Depuis plusieurs semaines néanmoins, le retour des gendarmes centrafricains en uniforme au cœur de la ville annonce un renouveau de la présence de l’Etat dans le pays.
« Ces derniers mois, ils ont dû tuer plus d’une centaine de personnes »
La ville de Bria était la base arrière de la rébellion de l’ex-séléka dans sa marche vers la capitale, Bangui. Cette ville de 75 000 habitants est tombée sous le contrôle des rebelles fin 2012. Quelques mois plus tard, en mars 2013, ils s’emparaient de Bangui. Depuis « la ville a vécu seize mois sous une chape de plomb », constate un observateur, selon l’AFP. « Ces derniers mois, ils ont dû tuer bien plus d’une centaine de personnes. Un jour, on apprenait qu’on avait retrouvé deux ou trois corps. Trois jours plus tard, on en découvrait cinq ou six », décrit un habitant de la ville.
Bria était une plaque tournante du diamant en Centrafrique. Les alentours de cette ville regorgent de ce minéral qui faisait vivre, avant la guerre, près du quart de la population du pays, avec une production annuelle autour de 350 000 à 400 000 carats. Les multiples échoppes de diamantaires sont là pour rappeler à la ville ce qu’elle fut, et ce qu’elle peut redevenir.
« Le malheur de la Centrafrique vient souvent du Soudan et du Tchad »
Les ex-rebelles commettent toujours des exactions et pillent encore les caisses de l’administration locale selon un habitant chrétien. La séléka rejette toutes ces accusations. Cette rébellion serait composée d’éléments favorables au désarmement, « les fils de notre pays », comme l’explique le préfet de la Haute-Kotto, dont Bria est le chef-lieu, Robert Morgodé.
En face, d’autres rebelles, qui ne sont pas Centrafricains, « n’ont rien à attendre du désarmement » et « poussent les autres à résister », explique-t-il et il poursuit : « le malheur de la Centrafrique vient souvent du Soudan et du Tchad ». Cela explique pourquoi ces derniers seraient pour une partition du pays, en voulant contrôler les régions du nord, plus riche que celles du sud.
Depuis quelques semaines, les gendarmes sont revenus. « Nous avions pris les armes pour exprimer aux autorités du gouvernement déchu (le régime du Président François Bozizé renversé en mars 2013) que nous étions abandonnés », affirme un porte-parole local de l’ex-rébellion, Hamad Hamadin. « Nous n’allons pas nous-mêmes rester au pouvoir. (…) Nous sommes sous un nouveau régime. Nous attendons les directives de Bangui » et du gouvernement de transition.
« Le travail que la Sangaris et la MISCA sont en train de faire, c’est la restauration de l’Etat »
Un habitant de Bria accuse les rebelles et leur prête un double discours : « quand les Sangaris sont venus, ils (les séléka) ont interdit aux populations de s’approcher d’eux, ils avaient peur qu’on se plaigne, qu’on collabore, qu’on les trahisse ».
« On est dans une phase de retour progressif à la normale, durant laquelle chacun regarde un peu l’autre, dans une zone sous fort contrôle des ex-séléka », explique le colonel à la tête du détachement de la force française Sangaris dans cette région, Jean-Bruno Despouys. « Le travail que la Sangaris et la MISCA sont en train de faire, c’est la restauration de l’Etat », décrit le préfet, et il conclut : « ça se fait étape par étape ».
Toujours est-il que la méfiance est de mise entre les habitants de Bria et les rebelles de l’ex-séléka. Il est difficile de croire que le retour de l’autorité de l’Etat pleine et entière, dans cette ville et à l’intérieur du pays, se fasse avec tous les rebelles dont une partie ne sont peut-être finalement que des coupeurs de route.