La République centrafricaine risque de passer une année blanche. La crise sécuritaire qui a secoué le pays a fait accuser aux élèves et étudiants de Centrafrique cinq mois de retard sur le calendrier académique 2012-2013. Les autorités politiques s’activent en vue de la reprise des cours, et pourtant rien n’est réellement prêt.
(De notre correspondant)
Le scénario ne sera pas facile pour éviter à la République centrafricaine une année blanche qui menace fortement le système éducatif. Il ne peut y avoir la reprise des cours dans la situation actuelle, car il n’y a pas encore de sécurité garantie sur toute l’étendue du territoire national, même la capitale Bangui n’est pas encore sécurisée. L’on ne peut pas nier le fait que les tirs d’armes ont baissé d’intensité ces derniers temps, mais le fait que les tirs sporadiques sont réguliers à longueur de journée ne signifie nullement que la sécurité est rétablie.
Plus d’un mois après le coup d’Etat du 24 mars dernier, les pillages et exactions se poursuivent. Il ne se passe pas un seul jour sans que les personnes soient braquées, agressées, pillées, tuées… par les éléments de la Séléka. Pas plus tard que dans la nuit du 5 avril dernier, un conducteur de taxi-moto a été assassiné après avoir été dépouillé et torturé par ces ex-rebelles dans le quartier Boïng dans le 3ème arrondissement de Bangui. Dans les villes de province, la situation est même beaucoup plus précaire. Les populations de la ville de Bossangoa, par exemple, sont depuis plus de trois jours en brousse, fuyant les agressions des combattants de l’ex-rébellion.
A cela s’ajoute, le fait que l’administration scolaire comme dans toute l’administration en Centrafrique a été sauvagement pillée jusqu’aux sièges. Certains établissements restent encore occupés par les éléments de la Séléka qui en font leur dortoir. C’est le cas du lycée Barthélemy Bonganda dont le bureau du proviseur est présentement la chambre d’un colonel. Cela veut dire qu’une reprise des cours est d’office conditionnée à un redéploiement total de l’administration scolaire et universitaire et leur dotation en logistique, ne fut-ce que le matériel de bureau.
Malgré ce contexte, les autorités de Bangui veulent à tout prix relancer les activités académiques. Elles feignent voir la réalité en face, demandant aux élèves et étudiants de reprendre le chemin de l’école ce lundi 6 mai. Alors qu’un parent d’élève responsable ne pourra laisser aller à l’école son enfant à un moment où les ex-rebelles de la Séléka roulent dans la ville à tombeau ouvert et tirent encore. On comprendrait que les autorités centrafricaines veulent éviter une année blanche par tous les moyens, car il en va de l’image de la Centrafrique dans le monde, sans compter les 7 milliards à payer à l’UNESCO.
Le ministre de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, M. Marcel Loudégué a été le premier à tirer la sonnette d’alarme. Il a promis que tout sera mis en œuvre pour assurer la sécurité des enfants. Un appel qui a été réitéré par M. Africain Kazangba, président de la Fédération nationale des associations des parents d’élèves de Centrafrique (FNAPEC) lors d’une réunion des parents d’élèves. A l’occasion de cette rencontre, les parents d’élèves qui ont admis sous réserve l’appel du ministre ont formulé des recommandations. Il s’agit de « la sécurisation des voies routières et établissements scolaires par les éléments de la gendarmerie et la police centrafricaines ; le respect des passages trottoirs et les vitesses limitées devant les établissements scolaires ; interdiction des tirs sporadiques de jour et de nuit ; le cantonnement réel des éléments séléka ; le paiement immédiat de salaire d’avril 2013 aux enseignants et autres fonctionnaires ; organiser le retour des enseignants et leur sécurité dans leurs zones respectives ; solliciter l’appui des partenaires de l’école centrafricaine en détresse ».
Il serait souhaitable que les autorités centrafricaines reprennent leur souffle, afin de réunir d’abord les conditions d’une rentrée effective avant de lancer la reprise des cours. Il est trop prématuré pour le moment.