C’est une visite lourde de sens qu’a effectuée dimanche passé le Président Faustin Archange Touadéra à Bambari, deuxième ville du pays, située dans le département de l’Ouaka. Une visite symbolique certes mais importante à bien des égards, car il y a encore quelques semaines, voire quelques jours, la ville était encore le théâtre de violents affrontements entre les factions rivales de l’ex rébellion seleka notamment le Front Populaire pour la Renaissance de la Centrafrique (FPRC) dirigé par Nouredinne Adama et l’Union pour la Paix en Centrafrique, (UPC) dirigé par Ali Drass.
Le Président Touadéra était accompagné lors de cette visite par le Vice-Président de la Banque Mondiale, Monsieur Makhtar Diop ainsi que le patron de la Minusca, Parfait Onyanga. Cette visite marque en effet un tournant, même si cela reste symbolique, car en venant à Bambari alors que la ville est encore cernée par endroit par les éléments du FPRC, le Président Touadéra a souhaité surtout démontrer que l’Etat centrafricain est de retour dans cette ville contrôlée jusqu’il y a peu par l’UPC d’Ali Darass.
Lors de son allocution à la Mairie de Bambari, tout un symbole, le Président Touadéra s’est voulu rassurant et appelant au courage et à la résilience de la population, tout en lui promettant que Bangui ne les oubliait pas. Poursuivant son intervention cette fois-ci d’un ton ferme, le Chef de l’Etat a déclaré, je cite « la Ouaka et les préfectures voisines sont devenues le sanctuaire des groupes armés. Cette situation est maintenant derrière nous. Les ennemis de la paix répondront de leurs actes devant la justice. C’est une question de temps », avant de réaffirmer l’indivisibilité de la RCA.
Cette visite à Bambari n’était pas seulement une cérémonie d’installation des autorités mais elle a été aussi une occasion pour les partenaires de la Centrafrique notamment la Banque mondiale dont le Vice-président était également du voyage, de regarder la réalité sur le terrain et de rassurer quant à la concrétisation des promesses faites lors de la table ronde de Bruxelles.
Ainsi, le Vice-président de la Banque Mondiale, Monsieur Makhtar Diop a annoncé que 6 milliards de FCFA seront investis dans cette région pour réhabiliter notamment 23 centres de santé, mais aussi pour soutenir les déplacés et les victimes de violences. Ces investissements concerneront également la construction des écoles, des caniveaux, des pistes et des marchés. Poursuivant son message, Monsieur Makhtar Diop a rappelé que la paix est la seule condition pour le développement économique mais également une exigence première des populations.
Certes le chemin est encore long mais quelques signes encourageants sont observables depuis peu. D’une part, on observe une montée en puissance de la Minusca et surtout un changement de stratégie même si les autorités ainsi que la population en voudraient davantage… Mais il faut déjà saluer les progrès réalisés ces derniers mois notamment à Bambari.
Sans l’intervention musclée de la Minusca, la ville de Bambari serait aujourd’hui à feu à et sang et sous contrôle de l’une des factions rebelles. D’autres part, il faut noter la décision prise dernièrement par le FPRC de Nouredinne Adam de désigner deux de ses représentants afin d’intégrer le comité consultatif et de suivi (CCS) sur le Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR). Avec la participation du FPRC aux travaux du comité consultatif et de suivi sur le DDR, ce sont désormais 13 des 14 groupes armés identifiés pour le Programme national du DDR qui prendront part à la mise en œuvre de ce programme.
C’est une lueur d’espoir même si, au sein du mouvement, subsistent quelques irréductibles qui souhaitent coûte que coûte s’emparer de la ville de Bambari avec en toile de fond, la question de la séparation. Heureusement la Minusca est déterminée à faire de cette ville, une ville sans armes ni groupes armés.
La remise en marche de l’Etat à Bambari ne sera pas facile certes, mais il fallait poser des actes forts. Et la réinstallation des autorités par le Président Touadéra en est un. Cela faisait 4 ans que la ville était sous la coupe d’un groupe rebelle qui y régnait en maître. La population centrafricaine a déjà payé un lourd tribut pour qu’une minorité de personne continue de prendre en otage tout un pays, et hypothéque son avenir.
Le temps est arrivé pour tous les groupes armés de regarder au-delà de leurs propres intérêts, et d’intégrer le processus de dialogue et de désarmement tant qu’il est encore temps, car la main est pour l’instant tendue, mais cela ne pourrait durer ad vitam aeternam . Tout le monde pourra profiter du développement de la Centrafrique, mais il passe par la paix et la sécurité, car sans cela, Il ne peut y avoir de remise en route économique durable. Il appartient donc aujourd’hui aux filles et aux fils de la Centrafrique d’écrire ensemble un nouveau chapitre dans la paix et la concorde.