Une chasse aux Tchadiens est ouverte en Centrafrique. Des civils armés s’en prennent aux commerces des ressortissants tchadiens et sont déterminés à « les tuer », selon des témoignages.
Les Centrafricains ont une dent contre les Tchadiens depuis que les forces armées d’Idriss Déby Itno sont accusées d’avoir épaulé la Séléka lors du coup d’Etat du 24 mars 2013. Aujourd’hui encore, à Bangui, la population accuse le contingent tchadien d’être du côté de la Séléka. « Dehors les Tchadiens, traîtres, lâches, chiens », ont crié ce mardi une foule surexcitée dans le quartier Combattant de Bangui. Les soldats tchadiens, connus, entre autres, pour leur expérience au Mali, ne se laissent pas faire. A chaque interpellation de ce type, les soldats s’arrêtent et font parfois mine de tirer sur les attroupements afin de les dissiper.
L’arrivée des soldats français à Bangui, dans le cadre de l’opération « Sangaris » qui a débuté lundi et qui vise à désarmer les milices, n’a pas calmé la situation. Les coups de feu, les corps retrouvés sans vie, les pillages et les mouvements de foules sont toujours aussi nombreux, selon des témoignages. Par ailleurs, deux soldats français ont perdu la vie dans des accrochages pendant la nuit de lundi à mardi. Le Président François Hollande est arrivé en Centrafrique mardi en début de soirée, après s’être rendu en Afrique du Sud pour l’hommage rendu à Nelson Mandela.
Les commerces de musulmans pillés
La donne a changé depuis l’arrivée de troupes à Bangui et ailleurs, puisque ce sont désormais les musulmans qui sont pris pour cibles par la population. Des groupes de pillards, certains munis de machettes, forcent les portes de commerces appartenant majoritaires à des musulmans. Un esprit de vengeance s’est emparé des populations chrétiennes, après le désordre commis par les ex-rebelles de la Séléka, majoritairement musulmans qui, depuis la scission de la Séléka, s’adonnaient à des séances de pillages et d’exactions.
Selon des journalistes sur place, les patrouilles françaises, qui ont installé leur camp à l’aéroport, « passent sans s’arrêter ». Ce sont surtout des unités congolaise et équato-guinéenne de la Force africaine (MISCA) qui se chargent de dissuader les pillards sans utiliser d’armes. Contrairement aux militaires tchadiens qui n’hésiteraient pas à tirer quelques rafales. De nombreux commerces pillés appartiennent d’ailleurs à des Tchadiens. Au vu de la situation, les militaires tchadiens ont pour mission d’évacuer leurs ressortissants. Plusieurs dizaines de Tchadiens ont été rapatriés dans la journée de mardi.
« Tuer » les Tchadiens
Les ressortissants tchadiens paient aujourd’hui le prix de la politique tchadienne en Centrafrique. A Bangui, la population crie : « On ne veut plus d’eux dans le pays, ce sont des traîtres ». « Il faut que tous les Tchadiens partent ». En revanche, les Maliens et les Sénégalais « peuvent rester, mais les musulmans tchadiens dehors ». Il semble clair que les Tchadiens musulmans qui décident de rester ne sont pas en sécurité après qu’un contestataire ait lancé : « Il faut les tuer (les Tchadiens, ndlr) ».
Ils sont entre 10 000 et 15 000 Tchadiens à vivre en Centrafrique, ainsi que des milliers de Centrafricains musulmans originaires du nord du pays, assimilés à des Tchadiens. Des hommes justifient les pillages : « C’est normal. Les Séléka ont tué des gens, eux les aidaient. C’est normal, c’est juste. Ce sont les représailles », lance un habitant, rapport AFP. Et alors que Paris a promis le désarmement des milices, d’autres en revanche, des civils chrétiens, cherchent des armes.
Les exactions exercées par les ex-rebelles de la Séléka ont généré une montée de haine entre chrétiens et musulmans qui, jusqu’à présent, vivaient en paix. Désormais, ce sont les musulmans centrafricains et tchadiens qui sont les premières cibles des représailles.