Les négociations entre la rébellion Séléka et François Bozizé, sous l’égide du Gabon et du président congolais Denis Sassou Nguesso, devaient commencer mercredi à Libreville. Mais ces pourparlers semblent de plus en plus compromis. D’autant que les rebelles réclament toujours le départ du président centrafricain et menacent désormais de le traduire devant la Cour pénale internationale (CPI). Alors que ce dernier ne compte pas lâcher son poste, se disant garant de la Constitution de son pays. Contacté par Afrik.com, Roland Marchal, chercheur au CNRS et spécialiste de la Centrafrique, nous explique -avec toute prudence requise- que les discussions sont mal organisées et que le risque de la reprise des combats n’est pas à exclure. Interview.
Afrik.com : La rébellion Séléka réclame toujours le départ de Bozizé et veut désormais le traduire devant la CPI. Est-ce que les négociations sont compromises ?
Roland Marchal : C’est encore tôt pour le dire. C’est juste le début des négociations. Certes, il y a eu des activités militaires, chaque partie donne de coups de mentons, mais c’est la grande tradition du genre. Sur la base de ces deux éléments (la guerre psychologique entre les deux camps), nous ne pouvons pas dire que les négociations sont compromises. Il y a, néanmoins, deux signes qui montrent que ces négociations ne sont pas bien menées. D’une part, Bozizé s’est rendu à Brazzaville pour rencontrer le président congolais Denis Sassou Nguesso (médiateur à Libreville), et a fait des déclarations très dures à l’encontre de la rebellion qui serait composée d’étrangers (« les étrangers terroristes »). D’autre part, La manière dont le Gabon conduit ces négociations montre que la médiation n’est pas bien pensée ni gérée. Les négociations sont faites de façon un peu dilettante, sans réel cadrage : cela indique que les médiateurs sont perdus ou n’y croient pas.
Afrik.com : Quel genre d’issue peut-on espérer de ces négociations ?
Roland Marchal : La faiblesse politique dans le cadrage de la médiation est inquiétante. Même s’il faut être prudent et garder un peu d’espoir, personnellement je pense que les négociations ne vont pas aboutir. Bozizé a repris la main et il n’est pas un homme qui est connu pour faire des compromis. Au vu de ses dernières déclarations, dans lesquelles il dit déjà présider un gouvernement d’union nationale et respecter intégralement la Constitution, il devrait camper sur ses positions et mettre entre parenthèse les réformes obtenues par le President Boni Yayi.
Afrik.com : Les négociations s’ouvrent donc sur des mauvaises bases. A quoi doit-on s’attendre ?
Roland Marchal : Peut-être, à un retour d’activités militaires. Les rebelles et Bozizé veulent respectivement obtenir gain de cause. On peut s’attendre soit à une contre-offensive de Bozizé ou à une action de la rébellion pour remettre la pression sur le pouvoir en place. Le résultat de cet affrontement, même limité, permettrait de valider un rapport de force plus réaliste que les déclarations des uns et des autres. La population civile, une fois de plus, paiera l’arrogance des uns et des autres ainsi que le dillétantisme de la médiation.