Depuis trois semaines, la capitale centrafricaine, Bangui, est plongée dans une crise de carburant sans précédent.
Les files d’attente s’allongent devant les rares stations-service encore ouvertes, souvent pour seulement quelques heures par jour. Cette pénurie affecte durement la vie quotidienne des habitants et paralyse l’économie locale, créant un terreau fertile pour les activités illégales.
Le commerce illicite en pleine expansion
Devant une station-service vide à Bangui, l’effervescence est palpable. Des revendeurs de carburant, profitant de la situation, se rendent régulièrement à Zongo, de l’autre côté de la rive, en République Démocratique du Congo (RDC). Chaque matin, des pirogues chargées de bidons de 25 litres traversent le fleuve Oubangui pour ravitailler le marché noir de Bangui. Vincent, l’un de ces revendeurs, témoigne : « Le carburant est rare et ce sont toujours des scènes de bousculades. Je me ravitaille à Zongo et revends le carburant en litres pour aider les usagers. »
Cette pénurie a des répercussions directes sur le coût de la vie. Privat, un usager de la route, explique : « Ce problème de carburant nous dépasse. Avec ce rythme, le coût de la vie est devenu cher. Certains particuliers sont obligés de parquer leurs engins. La circulation n’est plus fluide. Moi, je me ravitaille chez les revendeurs, mais certains mélangent le carburant avec de l’eau et c’est dangereux pour les engins. »
Les accusations contre Tamoil
Le gouvernement centrafricain, dans une tentative de juguler la crise, a réquisitionné six des onze stations-service de la société Tamoil, l’accusant de ne pas approvisionner correctement le marché. Une amende de 200 millions de francs CFA a été infligée à la société, et les stations seront désormais gérées par des opérateurs locaux pour une période de 45 jours. Cependant, cette mesure n’a pas encore montré d’amélioration significative dans l’approvisionnement en carburant.
Des réserves en carburant au plus bas
Le dépôt de Kolongo, qui stocke la majorité du carburant consommé en Centrafrique, est presque vide. La logistique d’importation est également perturbée, avec des camions citernes arrivant par la route de Douala, une solution coûteuse et insuffisante. La situation est exacerbée par la perte de gestion du transport fluvial par la Socatraf, filiale de Bolloré, en 2022.
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Le rachat des actifs de TotalÉnergies par Tamoil a créé des tensions, notamment après que l’exclusivité d’importation a été accordée à Neptune Oil. Le FMI a demandé une analyse de conformité de ce contrat, soulignant l’importance d’un traitement équitable dans le secteur pétrolier. En parallèle, le marché noir prospère, impliquant des personnalités influentes comme le ministre de l’Énergie Arthur Bertrand Piri et le président du Conseil d’administration du Bureau d’Affrètement Routier Centrafricain, Sani Yalo.
Le FMI et les réformes nécessaires
En avril 2024, le FMI a appelé à des réformes clés dans le secteur des hydrocarbures, soulignant que la transparence et l’efficacité de la campagne d’importation de carburants étaient essentielles pour surmonter les défis économiques et sociaux. Le marché informel représente désormais 40 % des ventes de carburant en Centrafrique, affectant gravement les recettes fiscales de l’État.
La crise de carburant en Centrafrique révèle des problèmes systémiques de gestion, de corruption et de logistique. Les efforts du gouvernement pour contrôler la situation sont jusqu’ici insuffisants, laissant la population de Bangui dans une précarité croissante. Une solution durable nécessitera des réformes profondes et une coopération internationale pour stabiliser l’approvisionnement en carburant et restaurer la confiance du public.