Réunis jeudi en sommet extraordinaire à N’Djamena, les chefs d’Etats de la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (CEEAC) ont décidé de porter à 2000 hommes les effectifs chargés de rétablir l’ordre à Bangui. Depuis le début de la crise, les mesures ne cessent de se multiplier pour mettre fin à l’anarchie. En vain.
La Centrafrique est « une plaie au cœur de l’Afrique centrale ». Cette phrase signée Idriss Deby résume bien la situation actuelle du pays. L’heure est grave pour les nouveaux dirigeants de la République centrafricaine. Installés au pouvoir depuis à peine trois semaines, ils doivent déjà faire face aux pillages et affrontements meurtriers qui rythment la vie à Bangui. Réunis en sommet extraordinaire à N’Djamena, la capitale tchadienne, les chefs d’Etats de la communauté économique des Etats d’Afrique centrale (CEEAC) ont décidé de porter à 2000 hommes les effectifs chargés de rétablir l’ordre dans le pays.
L’appel de Déby
Le président tchadien Idriss Déby tire la sonnette d’alarme. « Il nous faut nous mobiliser pour mettre fin à cette situation récurrente », a-t-il déclaré à l’ouverture du sommet. Mais beaucoup doutent déjà de l’efficacité des mesures annoncées à l’issue de cette réunion. Alors que l’urgence est de mise, aucun calendrier n’a été fixé quant au déploiement de ces éléments.
Pour le moment, toutes les mesures annoncées pour sortir le pays de la crise n’ont pas eu l’effet escompté. Entre autres : le maintien du Premier ministre Nicolas Tchiangaye, la réduction de la durée de la transition à 18 mois au lieu de trois ans, la création du Conseil national de transition, organe devant représenter toutes les sensibilités politiques du pays chargé d’organiser les prochaines élections, ou encore l’interdiction de Michel Djotodia et de son Premier ministre de se porter candidats à la prochaine présidentielle. Aucune de ces annonces n’a permis de retrouver l’accalmie à Bangui.
De mal en pis
Depuis le début de l’arrivée au pouvoir des rebelles du Séléka, la situation ne cesse de s’aggraver. Le week-end dernier au moins 20 personnes ont péri dans des affrontements meurtriers dans le quartier de Boy-Rabé, considéré comme un ancien fief du président renversé François Bozizé. Le Pouvoir accuse ce dernier, qui aurait armé ses partisans avant de prendre la fuite, d’être à l’origine des troubles dans la capitale centrafricaine. Seulement, le Séléka, qui signifie « Alliance » en langue locale, n’est pas exempt de reproches. Et les nouvelles autorités le savent. Cette coalition de plusieurs rébellions est très hétéroclite. Elle est régulièrement accusée par la population, qui est à bout de souffle, de commettre des violations.
Face à ces dérives, Michel Djotodia a appelé mardi le retrait des combattants du Séléka dans les rues et le renfort de 500 policiers et 500 gendarmes pour rétablir l’ordre. Une annonce sans effet. A tel point que mercredi le Premier ministre Nicolas Thiangaye a réclamé l’aide de la France, qui dispose de 600 hommes à l’aéroport. Paris n’a pas décliné l’appel au secours. Mais campe sur ses positions, refusant depuis le début de la crise centrafricaine de se mêler de l’imbroglio politique.
Economie malade
Le chef de la diplomatie française Laurent Fabius a été un peu plus clair face à l’appel du chef du gouvernement de transition : « La France a dit qu’elle était évidemment disponible pour appuyer tout effort pour revenir vers la stabilité, mais il faut mettre en place des autorités légitimement reconnues, ce qui n’est pas le cas du président actuel. » Paris avait déployé 350 hommes à Bangui au moment de la chute de François Bozizé. Pour autant, elle n’a pas levé le petit doigt pour empêcher les rebelles de prendre le contrôle du pays.
Les ennuis de la Centrafrique ne sont pas que sécuritaires. L’économie du pays aussi est en piteux état. « Nous venons de prendre le pouvoir, et les difficultés sont énormes. Les caisses de l’Etat sont vides », a déclaré jeudi, lors du sommet de N’Djamena Michel Djotodia. Le chef d’Etat de transition a fait appel aux partenaires de son pays pour remettre les comptes à jour. Sous le régime du président déchu, les chefs d’Etats congolais et tchadien menaient régulièrement cette mission afin d’assurer les fins de mois difficiles de l’Etat centrafricain.
Une question reste toujours en suspens. Les partenaires rappelés à la rescousse s’intéresseront-ils à un pays où l’insécurité règne en maître, où la cacophonie politique demeure, où toutes les instituions sont en lambeaux ? Un groupe international composé de tous les partenaires de la République centrafricaine devrait se réunir les 2 et 3 mai prochains au Congo Brazzaville pour accompagner la transition. Reste à savoir si les mesures prises permettront de redresser le pays ou si elles ne seront encore une fois que des effets d’annonce.