Les pays européens contribuent au financement de la guerre en Centrafrique, selon une nouvelle étude de l’ONG Global Witness publiée ce mercredi. Les exploitants forestiers dans le pays ont versé d’importantes sommes d’argent aux ex-rebelles de la coalition Séléka quand ils étaient au pouvoir, et ensuite aux Anti-Balaka, pour permettre leur travail.
Le rapport de l’Organisation non-gouvernementale (ONG) Global Witness, basé à Londres et à Washington DC, accuse les pays européens d’alimenter la guerre en Centrafrique. Dans un rapport publié ce mercredi, l’institution montre comment les entreprises européennes ont monnayé leur présence dans le pays en versant de l’argent d’abord aux ex-Séléka puis aux Anti-Balaka. Des combattants étaient payés pour assurer la « sécurité » de leurs infrastructures. De l’argent était aussi distribué à des barrages routiers pour permettre le transport des marchandises.
Le commerce à tous prix
L’ONG, dont un des principaux bailleurs est l’Open Society Institute de Georges Soros [[Voir https://en.wikipedia.org/wiki/Global_Witness#Income]], appelle à rompre les accords commerciaux et les aides avec les entreprises forestières en Centrafrique « de toute urgence ». Près de 59 % des exportations de bois du pays se font vers l’Europe, notamment en Allemagne où se dirige 32 % du total des exportations, en France près de 20 % et 5 % au Royaume-Uni. La guerre civile en Centrafrique a fait plus de 5 000 morts et près d’un million de personnes déplacées.
En mars 2013, la rébellion de l’ex-Séléka s’est emparée du pouvoir dans le pays. Le rapport décrit la manière dont des éléments de l’ancien groupe rebelle ont été envoyés dans les forêts du pays afin de trouver des sources de financement. Des accords ont alors été conclus entre la rébellion et notamment trois entreprises forestières qui contrôlent une zone qui s’étend sur une superficie représentant 200 fois celle de Paris, située dans le sud-ouest du pays. Elles représentent 99 % des exportations de bois centrafricain : IFB d’origine française, SEFCA du Liban et Vicwood, une société chinoise.
« Complicité dans les crimes de guerre »
L’exploitation du bois avant la crise représentait 10 % du revenu national et 40 % des recettes de l’Etat centrafricain. En 2013, ces trois entreprises auraient versé près de 3,4 millions d’euros aux rebelles (plus de 2, 230 milliards de Fcfa) pour continuer leur exploitation. Un groupe d’experts sur la République centrafricaine mis en place par le Conseil de sécurité des Nations unies indiquait dans un rapport de juillet 2014 que « jusqu’à 6 000 dollars par mois » (plus de 3 500 000 Fcfa) avaient été payés à des commandants de la Sékéla par des entreprises forestières pour la protection de leurs installations à Bangui, la capitale du pays.
En 2013, près de 381 000 euros (soit près de 250 millions de Fcfa) ont été payés en une fois au gouvernement de la Séléka de Bangui par la SEFCA pour autoriser le franchissement des barrages routiers et bénéficier de « protection ». « Le conflit brutal en République centrafricaine a été maintenu en vie grâce aux financements européens », a indiqué le responsable de campagne à Global Witness, Alexandra Pardal. « Nos enquêtes ont montré que les entreprises forestières qui exportent illégalement vers l’Europe ont versé des millions d’euros aux rebelles coupables de massacres, d’enlèvements, de viols et du recrutement forcé d’enfants soldats. Ces entreprises devraient être traduites devant les tribunaux pour leur complicité dans les crimes de guerre commis », a-t-il ajouté.
L’AFD montré du doigt
Global Witness incrimine notamment l’Agence française de développement (AFD) qui a financé à hauteur de plusieurs millions d’euros le développement de l’exploitation forestière en Centrafrique, versant notamment 1,4 millions d’euros à SEFCA pour un plan d’aménagement forestier, qui joue un rôle majeur pour l’économie du pays. Le secteur du bois représente aujourd’hui 2 717 emplois et doit rapporter des millions d’euros de taxe à l’Etat.
De son côté, l’AFD a indiqué que ses investissements, qui ont débuté dès les années 90, devaient permettre le développement d’un modèle alliant « rentabilité économique » et « préoccupation environnementale ». Pour Global Witness, les bénéfices de ce partenariat de l’institution française apportés à la Centrafrique ne compensent par les préjudices entraînés, par la même occasion, en alimentant la corruption et la guerre.
« Il est tragiquement ironique de constater que, alors que les gouvernements européens ont investi des centaines de millions d’euros dans des opérations militaires et de maintien de la paix en RCA, ils n’ont pas réussi à garder le bois du conflit en dehors des marchés de l’UE », a précisé Alexandra Pardal. En mars 2013 est justement entré en vigueur au sein de l’Union européenne le « règlement bois » qui oblige en principe les entreprises à prouver l’origine légale du bois qu’elles ont acheté. « Tant que l’Europe continuera de soutenir l’industrie forestière de la RCA, les consommateurs de l’UE seront susceptibles d’alimenter involontairement un conflit que leurs propres armées étaient censées stopper », conclu le texte.