Cellou Dalein Diallo : « L’UFDG n’a pas tué » Mohamed Diallo


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En Guinée où il a été tué, au Sénégal d’où il est aussi originaire, le débat est encore entier : « Qui a tué le journaliste d’AFRIK.COM, Mohamed Diallo ? ». Une question qui n’a pas encore trouvé de réponse. Les autorités guinéennes ont ouvert une information judiciaire et l’enquête suit son cours. AFRIK.COM, qui a effectué le déplacement dans la capitale guinéenne, Conakry, est allé à la rencontre de Cellou Dalein Diallo, président du parti mis en cause dans ce drame, l’UFDG (Union des Forces Démocratiques de Guinée), devant le siège duquel partisans de Bah Oury exclu du parti et ceux de l’UFDG s’affrontaient et où le journaliste a été touché par balle. Quelle est la responsabilité du parti dans cette tragédie ? Quelles sont les mesures prises par l’UFDG pour que l’auteur du crime soit retrouvé ? Bah Oury peut-il être tenu pour responsable de la mort du journaliste Mohamed Diallo ? Entretien.

Envoyé spécial à Conakry,

C’est dans son bureau, situé au quartier Hamdallaye CBG (Compagnie de Bauxite de Guinée) de la capitale guinéenne, qu’AFRIK.COM a rencontré, ce mardi 9 février 2016, le président de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo. En présence du Secrétaire général du parti, Aliou Condé, l’entretien exclusif, axé sur les contours de la mort du journaliste Mohamed Diallo, tué le vendredi 5 février 2016, alors qu’il était parti couvrir un « affrontement » Bah Oury exclu du parti et l’UFDG, pouvait commencer. En toute quiétude, le président du parti se livre.

Que pouvez-vous nous dire sur la mort du journaliste Mohamed Diallo ?

D’abord il faut rappeler que les journalistes étaient venus nombreux couvrir l’affrontement annoncé entre les hommes de Bah Oury et le parti. Habituellement, la presse ne couvre pas la réunion hebdomadaire du Bureau exécutif. M. Bah Oury avait dit « nul ne pouvait l’empêcher d’entrer ». A la question de savoir si on vous refuse l’accès, il a tout simplement répondu dans la presse locale : « Seul Dieu sait ce qui se passera alors ». Avant, il avait répondu à une autre question, à savoir « si on vous excluait du parti ? ». Sa réponse était la suivante : « S’ils m’excluent du parti, ils verront ce qu’ils verront ». Pour répondre à votre question, je suis arrivé au siège bien avant lui (ndlr : Bah Oury). J’ai ouvert la réunion, le portail a été fermé. Quelque temps après, j’ai entendu du bruit à l’extérieur. J’ai continué le débat et puis il y a eu des jets de pierres sur le toit de la maison. J’ai dû suspendre la réunion. Entretemps, une dame est venue affolée. Elle a dit que Bah Oury était armé et qu’il fallait que je quitte les lieux par les concessions voisines. J’ai refusé de sortir. L’enceinte étant fermée, je ne pouvais rien apercevoir de ce qui se passait dehors. Quelque temps après, on m’a dit que les assaillants étaient partis et on a repris la réunion.

Lorsqu’on a repris la réunion, un peu après, j’ai levé la séance et rejoint mon domicile. Quelque temps après, on m’a dit qu’un journaliste avait été atteint lors des affrontements. Entretemps, on m’a dit à plusieurs reprises que j’ai eu de la chance parce que Bah Oury était armé. Lorsqu’on m’a annoncé qu’il avait succombé à ses blessures plus tard, j’ai désigné les responsables du parti qui sont allés à la morgue. Le lendemain, je me suis rendu, avec des membres de l’UFDG, adresser mes condoléances à la famille de Mohamed Diallo. Toute sa famille, son père lui-même étant membre de l’UFDG, car participait à toutes les activités du parti, m’a dit que s’il ne me voit pas ces derniers temps, c’est qu’il est malade. Et que tout le temps, il prie pour mon accession au pouvoir. Et qu’il ne souhaitait pas mourir avant mon accession au pouvoir. Je rappelle que la famille de Mohamed Diallo est de Labé comme moi.

Quelle est la responsabilité de l’UFDG dans la mort du journaliste Mohamed Diallo ?

Aucune. Lorsque dans les médias et en privé, Bah Oury a menacé de venir forcer l’accès au siège, j’ai écrit à l’escadron de la gendarmerie d’Hamdallaye qui se trouve à 1km de notre siège et à la Commune de Dixin pour leur dire que Bah Oury, exclu du parti, menace de venir au siège de l’UFDG semer des troubles, en leur demandant des agents pour venir assurer la sécurité des participants. Ils ont reçu les courriers et n’ont pas réagi. Il paraît qu’une voiture pick-up des forces de l’ordre est venue, garée à quelque 100 mètres. Je suis choqué qu’un journaliste soit tué, surtout aux abords de notre siège, à l’occasion d’un évènement que notre parti organise. On n’a pas de responsabilité, surtout que les journalistes couvrent régulièrement les AG du parti. De surcroît un journaliste, personne qui n’a rien à voir avec le conflit entre un vice-président exclu et son parti. Je souhaite que des investigations soient menées avec diligence et objectivité, pour identifier l’auteur du crime pour qu’il puisse répondre de son acte.

Pensez-vous que Bah Oury aurait pu tuer ou faire tuer Mohamed Diallo ? D’autant qu’il a été vu avec une arme d’après ce que vous a rapporté une dame…

Je n’ai pas vu Bah Oury. Je n’ai pas été témoin des altercations qu’il y a eues. J’étais dans l’enceinte du siège, complètement fermé et lui il était dehors. Je ne suis pas à même de confirmer ou d’infirmer les informations selon lesquelles il détenait une arme ou qu’il aurait fait usage de son arme.

Quelles sont les dispositions prises par votre parti pour aider à élucider ce qu’il convient d’appeler un meurtre ?

Nous collaborons avec la gendarmerie chargée de l’enquête et nous mettons à la disposition des gendarmes tous les militants et responsables dont ils ont eu besoin. Nous avons intérêt à ce que la lumière soit faite sur ce crime.

Le nom de votre parti est désormais associé à un meurtre…

C’’est injuste de dire que le parti a tué. Bien sûr qu’il y a une tendance d’instrumentaliser ce crime à des fins politiciennes. L’agenda du gouvernement et de Bah Oury étant de déstabiliser l’UFDG. Qu’on recherche le criminel et qu’il soit puni avec toute la rigueur de la loi. Le parti a fait ce qu’il devait faire. Nous déplorons d’être doublement victime. Car, non seulement une personne a été tuée devant notre siège, de surcroît la presse locale se retourne contre nous et va jusqu’à décider de ne plus couvrir nos activités, alors qu’aucune responsabilité n’est située. Je suis persuadé que les journalistes reviendront à la raison, après le passage de l’émotion liée à la perte d’un confrère devant nos locaux. Je ne pense pas que le parti soit le responsable de ce qui est arrivé. Des consignes de ce genre ne sont pas données. Notre service de maintien d’ordre n’est même pas armé. L’intention de tuer n’a jamais existé dans nos rangs. Cette situation a été imposée par Bah Oury, qui a recruté des gens. Il a jugé de se rendre justice lui-même après son exclusion du parti.

Vous imputez donc la responsabilité à Bah Oury ?

La responsabilité des affrontements, oui. Nous avons l’habitude de tenir des réunions sans incidents. Mais les affrontements, c’était entre les membres du parti et Bah Oury qui voulait contester de force son exclusion au lieu de s’adresser à la justice. Bah Oury est rentré d’exil avec l’idée de reprendre « son parti ». Il a remis en cause, en plus dans les médias, la légitimité des instances dirigeantes ainsi que le leadership du président élu que je suis. Il a pris le contrepied de toutes les décisions prises par les instances dirigeantes du parti. Beaucoup de démarches ont été menées pour le ramener à la raison, à participer au débat interne. En vain.

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Journaliste pluridisciplinaire, je suis passionné de l’information en lien avec l’Afrique. D’où mon attachement à Afrik.com, premier site panafricain d’information en ligne
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