Ce que le jour doit à la nuit, d’après le best-seller de Yasmina Khadra, est une plongée en pleine Algérie française. Les histoires de Younes, de Simon, de Djelloul ou encore d’Emilie permettent à Alexandre Arcady de conter « l’Histoire avec un grand H ». Résultat : une remarquable fresque sur fond d’histoire d’amour impossible. A découvrir dans les salles françaises ce mercredi.
La vie de Younes, le personnage principal de Ce que le jour doit à la nuit d’Alexandre Arcady, est un destin qui résume à lui seul la tragédie algérienne. Cet enfant de la terre, dont le père est chassé dans les années 1930 par un caïd, avec la collaboration de l’administration française, est confié à son oncle, pharmacien à Oran, marié à une Française et bien intégré parmi les pieds-noirs. Rebaptisé Jonas (traduction de Younes en français), il grandit parmi les jeunes de Rio Salado, où son oncle a déménagé. Il y rencontrera l’amitié, l’assimilation, et surtout l’amour, avec Emilie. Un amour impossible, qui le poursuivra toute sa vie, inspiré de celui du père de Yasmina Khadra, auteur du livre dont le film est adapté, avec une Française.
Les destins se croisent et se télescopent dans cette petite ville cosmopolite de Rio Salado, ce petit paradis sur terre. Pour tous ? Non, surtout pas pour les Algériens, discriminés et surveillés, qui subissent coups et vexations. Ils sont presque absents, comme ils l’étaient aux yeux de nombreux pieds-noirs. Étrangers chez eux. Comme Djelloul, qui passera d’ailleurs de Rio Salado au Front de libération nationale (FLN). A travers les parcours du groupe d’amis de Younes, de sa bien-aimée et des habitants de la cité, Arcady parvient à faire transparaître la complexité du conflit qui s’annonce, l’aveuglement collectif qui aboutira à un drame humain et affectif. Certains Européens, à l’instar de Juan Rucillio, grand propriétaire terrien, sont persuadés d’être chez eux et d’avoir transformé une terre pauvre en jardin d’Eden. D’autres comme par exemple Simon le couturier ou Fabrice le journaliste, tous deux amis d’enfance de Younes, aspirent à une Algérie plus juste. Pas deux camps donc, mais plutôt à chaque individu ses états d’âmes, ses contradictions, sa place fragile dans cette Algérie en mutation. L’histoire romanesque l’emporte souvent sur l’Histoire.
Un mariage de couleurs et de talents
Ce que le jour doit à la nuit d’Alexandre Arcady est porté par des acteurs remarquables. A l’instar de Fu’ad Aït Aattou qui incarne à la perfection Younes. Les décors et les paysages sont également fabuleux et plongent le spectateur dans l’atmosphère de l’époque. Les scènes apparaissent comme des tableaux, magnifiquement mis en lumière. De quoi faire oublier que le film a été tourné en Tunisie et non pas en Algérie comme prévu. Les autorités algériennes se sont en effet montrées rétives au projet du cinéaste français d’Algérie Alexandre Arcady et de l’écrivain algérien Yasmina Khadra. Une « union sacrée » au-dessus de la mêlée, un duo qui marche sur papier ou sur pellicule. Cependant le véritable coup de cœur : c’est la musique d’Armand Amar, fidèle compagnon artistique d’Arcady, qui devient passerelle entre le long métrage et le roman, la littérature et le cinéma. Si les œuvres d’Alexandre Arcady ont pu déplaire, son dernier film sort incontestablement du lot.
D’autant qu’au cours des 2h39 que dure l’œuvre et qui défilent très vite, une phrase résonne : « Mon Dieu, quel gâchis… ». Elle deviendra obsédante lors de l’ultime scène. L’Algérie française : un fait historique. L’Algérie indépendante : une évidence. La réconciliation des enfants d’Algérie : un espoir. Voire une utopie. Arcady au cinéma ce mercredi, après Khadra, rappelle qu’il faut y croire.
Ce que le jour doit à la nuit, d’Alexandre Arcady.
Avec Fu’ad Ait Aattou, Nora Arnezeder, Vincent Perez et Fellag.
Sortie française: 12 septembre 2012
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