Délaissés par le gouvernement de Khartoum, à l’origine de leurs malheurs, les déplacés et réfugiés soudanais du Darfour ne comptent plus aujourd’hui que sur l’aide des Nations Unies et des ONG. La communauté internationale, trop lente à réagir, a débloqué jeudi dernier 57 millions de dollars pour leur venir en aide. Trop tard, selon certaines organisations, qui estiment que 300 000 personnes pourraient trouver la mort.
Le gouvernement de Khartoum a signé le 26 mai dernier un accord de paix décisif avec l’Armée de libération du peuple du Soudan (SPLA) portant sur le partage du pouvoir et de trois régions du centre du pays. Une annonce qui a provoqué la joie de milliers de citoyens, fatigués par plus de 20 ans de conflit entre le gouvernement musulman du Nord et la rébellion du Sud. Mais à l’Ouest, dans la région du Darfour, nulle annonce susceptible de susciter le moindre espoir chez les populations concernées. Le vice-président soudanais, Ali Osman Taha, avait pourtant déclaré dès le 28 mai que « l’une des conséquences de la paix signée avec le Sud serait l’extinction du conflit dans le Darfour ».
Un cessez-le-feu humanitaire a bien été signé le 8 avril dernier, mais il est peu respecté. Un marché de la localité du Darfour-Nord de Tabet a ainsi été bombardé vendredi dernier par l’aviation soudanaise, suivi d’une attaque de miliciens Jenjawids, selon l’AFP. Le même schéma qui se reproduit depuis un an et demi et qui a causé la mort de près de 10 000 personnes. La communauté internationale invite régulièrement Khartoum à respecter ses engagements et notamment à maîtriser les milices. Sans succès. Près de 1,15 million de personnes ont du fuir les combats. 158 000, selon les chiffres du Haut Commissariat aux réfugiés (HCR), auraient franchi la frontière pour se réfugier au Tchad voisin. Le gouvernement de Khartoum, à l’origine de leur déplacement, tarde à les secourir. Il a également longtemps empêché les Nations Unies et ses partenaires, sur qui reposent désormais les espoirs des déplacés ouest-soudanais, de faire leur travail. Aujourd’hui sur place, les organisations humanitaires internationales sont alarmistes.
Une catastrophe inévitable
Le 3 juin dernier se déroulait à Genève une conférence des pays donateurs pour venir en aide aux populations sinistrées du Darfour. L’ONU et ses partenaires y ont présenté des appels à contribution non provisionnés, pour la période du 1er juin au 31 décembre 2004, d’un montant de 236 millions de dollars. Ils en ont obtenu 57. Les Etats-Unis s’étant engagés à verser 188 millions de dollars d’ici la fin de 2005, dont 44 d’ici quatre mois. L’Union européenne a pour sa part débloqué 10 millions de dollars. Mais même cet argent ne saurait aujourd’hui suffire pour éviter une catastrophe humanitaire, selon certaines organisations internationales.
« Si l’aide parvient aujourd’hui, nous pourrions perdre 300 000 personnes. Si elle ne nous parvient pas, cela pourrait être un million », a ainsi estimé Andrew Natsios, de USAid, lors de la conférence. Le directeur de l’ONG américaine basait ces chiffres sur les taux de mortalité et de famine actuels, indique la BBC, qui rapporte ses propos. « C’est la course contre la montre la plus tragique à laquelle nous soyons actuellement confrontés », avait déjà déclaré le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires de l’ONU, en mai dernier. Jean Egeland était parmi les premiers à interpeller la communauté internationale sur la situation dans le Darfour. Il admet aujourd’hui que celle-ci a trop tardé à réagir.
La crainte des acteurs humanitaires dans le Darfour repose aujourd’hui sur la saison des pluies, qui débute dans quelques semaines. Les routes seront alors impraticables et l’acheminement de l’aide impossible. Le recours au largage aérien, très aléatoire, sera inévitable. Sans oublier les milices Janjawids, qui continuent de menacer la vie des déplacés et réfugiés.