Sueurs froides lors des journées cinématographiques de Carthage où le cinéaste gabonais Imunga Ivanga présentait sa chronique sur la jeunesse perdue de Libreville, « Dolé »
Du Gabon, l’image convenue est plutôt celle d’un pays bien tenu, relativement prospère grâce à ses ressources pétrolières, et relativement stable, grâce à l’engagement d’une amorce de processus démocratique par le Président Omar Bongo, pilier de la Francophonie d’Afrique noire.
C’est cette image tranquille mais un peu partielle et en tous les cas dépassée que le cinéaste gabonais a décidé de confronter aux réalités de la société contemporaine de la capitale de son pays.
D’où ce film qui chronique les journées d’une bande de quatre copains qui squattent la terrasse d’un immeuble, qui devient leur territoire, leur quartier général, d’où ils partent en quête de vie et d’émotion dans les bas quartiers de Libreville, les » Matiti « , ce qui signifie en gabonais : » mauvaise herbe « .
» Je ne veux pas filmer la pauvreté sans pudeur. Cela existe au Gabon, comme partout dans le monde. » livrait Imunga Ivanga lors de sa rencontre avec le public de Tunis : » ces jeunes ne sont pas différents des jeunes adolescents dans le reste du monde. Ils ont un besoin vital de s’exprimer et d’exister par tous les moyens. Ils ont des responsabilités qui ne sont pas de leur âge, et jetés dans une société qui est en partie en crise, ils se retrouvent délinquants, sans l’avoir voulu… »
Le film n’est pas misérabiliste, il n’est pas noir non plus : son réalisme se teinte finalement d’optimiste : ce n’est pas tout à fait une descente aux enfers (même si l’on est passé non loin), c’est le chemin d’une forme de rédemption sociale, grâce à des valeurs fortes, l’amitié, la solidarité, la famille, qui aident chaun à s’en sortir, malgré la pauvreté, malgré la misère, malgré la perte des repères et le désarroi moral…
Un discours neuf, juste et puissant, qui nous vient du Gabon, un Gabon vivant, direct, réaliste, le Gabon tel qu’il se vit aujourd’hui, le Gabon tel qu’il respire, en marge des images d’Epinal et des idées reçues. Bravo : » Dolé « , d’Imunga Ivanga, c’est un peu une leçon de liberté et un remède contre la fatalité du malheur.