Caricatures d’Afrique


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La livraison estivale de la jeune revue  » Vacarme  » nous avait alléchés par un  » Spécial Afrique « . Histoire d’une déception.

La jeune revue intellectuelle et politique Vacarme, publiée à Paris, a eu la louable ambition de consacrer un numéro spécial à l’Afrique :  » politique, littérature, cinéma « . Bien tenté… Mais on reste sur sa faim devant l’accumulation des poncifs, la facilité des critiques, l’incroyable distance qui se creuse d’article en article entre le continent et les auteurs des articles.

Pleine de bonnes intentions, la synthèse de Dominique Franche  » Différence et indifférence « , par exemple, ne se contente pas de reprendre, ironiquement, tous les clichés dépassés sur l’image du continent : en n’imaginant pas d’autre avenir pour l’Afrique que dans sa relation aux européens et plus encore aux intellectuels européens, elle montre finalement la limite d’une approche intrinsèquement hexagonale, francocentrée, des problèmes africains.

Gallocentrisme

Non, il n’est pas vrai que l’Afrique ne soit qu’un continent exotique pour ceux qui se préoccupent de son avenir, en Europe comme dans le reste du monde, comme surtout en Afrique même.  » Oublieux de leur devoir de doute, d’écoute, de documentation, d’analyse critique des valeurs établies et de diffusion de leurs connaissances, les intellectuels ne font tout simplement pas leur travail « . On a envie de retourner le compliment.

Mais il n’est pas vrai non plus que toute l’histoire rwandaise se lise à travers  » Les Recherches de la France  » de l’historien français Estienne Pasquier, qui écrivait à la fin du seizième siècle… Il y a, à vouloir projeter des culpabilités univoques sur des événements internationaux de l’importance de ceux qui ont eu cours et ont encore cours dans la région des Grands Lacs, une myopie identique…

Non, les Belges et les Français ne sont pas les uniques auteurs des génocides. Non, les massacres ne se décidaient pas à Paris. Et les responsabilités des pays européens impliqués, si grandes soient-elles, ne doivent pas occulter celles des acteurs locaux, et des autres puissances du reste du monde venues se pencher sur cette terre meurtrie. Foin du masochisme franco-africain, il est temps de penser en grandes personnes, des deux côtés.

Afrique clichée

Sympathique et généreux, le discours  » gauchiste  » sur l’Afrique part certes d’un bon mouvement, et il a les mains propres. Mais, comme Charles Péguy le disait de Kant,  » il n’a pas de mains  » : c’est-à-dire qu’il s’attaque à une Afrique mythique qu’il rêve autant qu’il la pense, ne saisissant qu’un objet auto-constitué.

Heureusement, quelques paroles vraies dans le silence de ce  » Vacarme  » bien décevant : ce sont les mots d’Abdourahman A. Waberi, de Kossi Efoui, d’Amintat Sow Fall, de Moussa Konaté. Eux parlent de l’Afrique vivante. Il faut écouter les écrivains.  » Ecrire, dit ce dernier, c’est oser critiquer. Et je ne parle pas seulement de critique politique. Rien de plus facile que de critiquer en Afrique les régimes politiques. Beaucoup plus difficile, la critique de la société, il y a des tabous séculaires. Rares sont ceux qui s’y affrontent.  » Rares, et d’autant plus précieux qu’ils sont les seuls à pouvoir le faire.

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