[CANNES 2014] « Charlie’s Country » : l’impossible retour aux sources


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Le comédien australien David Gulpilil s’est vu décerner ce vendredi le prix du meilleur acteur dans la section « Un Certain regard » au Festival de Cannes pour son rôle dans « Charlie’s Country » de Rolf de Heer. Le film raconte l’histoire d’un Aborigène, Charlie, qui tente vainement de retrouver ses terres et le style de vie de ses ancêtres. « Charlie’s Country » met un visage sur le mal de vivre des Aborigènes, populations marginalisées en Australie.

Mal du pays, mal de vivre. Charlie, incarné par David Gulpilil, est un vieil aborigène. Il vit dans une communauté aborigène reconstituée et contrôlée par l’Etat dans le nord de l’Australie. Dans cet espace, il lui est impossible de vivre comme ses ancêtres et surtout comme il vivait plus jeune. Une situation qui devient très vite une source de frustration et qui réveille chez lui un besoin irrépressible d’un retour au sources, une envie de renouer avec la terre de ses ancêtres et leur mode de vie. Laissant tout derrière lui, il décide de quitter sa communauté et de retrouver le bush de son enfance. Les premières heures sont exaltantes mais Charlie n’est plus justement habitué à vivre comme ses parents. Dans cette nouvelle vie d’errance, un démon connu de nombreux Aborigènes à qui l’on en interdit d’ailleurs de façon officielle la consommation – l’alcool – le rattrape.

Les multiples drames des populations aborigènes en Australie ont souvent fait les gros titres. « Charlie’s Country », le film de Rolf de Heer dont le scénario a été co-écrit par le cinéaste australien et son acteur David Gulpilil, leur redonne un visage humain. Le jury de la section « Un Certain regard », présidé par Pablo Trapero et dont le cinéaste sénégalais Moussa Touré était l’un des membres, y aura d’ailleurs été sensible. Il a décerné ce vendredi le prix du meilleur acteur masculin à David Gulpilil. Le personnage de Charlie est à la fois proche et éloigné de celui du comédien qui avait foulé le tapis rouge du Festival de Cannes pour le film de Nicholas Roeg, Walkabout en compétition en 1971. N’ayant pas pu effectuer le déplacement, c’est Pete Djigirr acteur et co-producteur de « Charlie’s Country » et Rolf de Heer qui ont accepté le prix en son nom. L’expérience personnelle de David Gulpilil, artiste reconnu en son pays qui a connu l’alcoolisme et la prison, a nourri en partie le personnage de Charlie.

Le long métrage raconte une blessure originelle qui explique notamment, comme chez les populations indiennes d’Amérique, le fort taux d’alcoolisme chez les populations aborigènes. Mais quelle substance pourrait être assez forte pour faire oublier le déracinement, la perte de repères qu’impose la colonisation et les invasions subies par ces peuples autochtones ? Dans son lit d’hôpital à Darwin, où Charlie a atterri après plusieurs jours dans le bush, le docteur blanc qui le soigne affirme qu’il ne peut prononcer son « nom d’étranger ». Etranger sur ses propres terres ? C’est à l’aide de gros plans sur le visage de Charlie que Rolf de Heer montre l’âme d’un homme qui perd ses repères. Ses émotions naviguent entre espoir et désespoir au gré de sa capacité ou de son incapacité à renouer avec ce qui lui importe le plus. A savoir ses racines et sa culture. Le rêve paraît pourtant hors d’atteinte. Cependant, il reste encore des raisons d’espérer selon Charlie’s Country grâce aux plus jeunes… et à la danse, salvatrice passion d’un héros qui se noie dans son mal être.

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