[CANNES 2014] Abderrahmane Sissako : « Je pleure à la place des autres »


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En lice pour la palme d’Or, le cinéaste mauritanien a rendu, dans les larmes, un hommage appuyé et très ému aux habitants de Tombouctou et souligné la part d’humanité des djihadistes qui ont pris la ville malienne en avril 2012. Son film « Timbuktu » revient sur ces mois de siège par Al Qaida et les conséquences sur le quotidien de la ville aux 333 saints.

C’est un Abderrahmane Sissako très ému qui s’est exprimé ce jeudi lors de la conférence de presse de présentation de son film « Timbuktu » en compétition au Festival de Cannes. Interrogé sur l’humour introduit dans ce film très dramatique sur l’occupation de la ville de Tombouctou pendant près d’un an, il s’est interrompu submergé par les sanglots en soulignant la nécessité de préserver l’humanité des djihadistes. « Dans chaque être, il y a une complexité. Il y a le mal et le bien aussi. C’est important de se dire qu’un djihadiste, c’est quelqu’un qui nous ressemble aussi. Se reprenant, le réalisateur a rajouté : « Pour moi, il y a en (eux) une humanité ».

«Un combat silencieux» contre les djihadistes

« Peut-être que je pleure à la place des autres, a-t-il poursuivi, de ceux qui ont vécu véritablement (cette occupation), qui ont eu une réelle souffrance. Après, nous on s’approprie tout (…) Le vrai courage, c’est ceux qui vivent, qui ont vécu au quotidien ces moments-là.
Pour Abederrahmane Sissako, ils ont mené « un combat silencieux qui est le vrai combat». « Tombouctou n’a pas été libérée par Serval (l’opération française au Mali)[…]. La vraie libération, c’est ceux qui sont restés (…) chantant dans leurs têtes une musique qu’on leur a interdit de chanter… Ceux qui dansent, ceux qui jouent au football sans ballon …»
Le cinéaste mauritanien a par ailleurs exprimé son admiration pour les populations de Tombouctou. « J’ai été impressionné par ces gens-là. J’ai été impressionné par celles et ceux qui m’ont parlé à Tombouctou, ces femmes qui s’appellent pudiquement « mariées de force » (plusieurs femmes ont dû épouser des islamistes) » .

« J’appartiens au Sahel, j’appartiens à l’Afrique, c’est mon rôle (de cinéaste) », a par ailleurs affirmé Abderrahmane Sissako s’exprimant sur la nécessité de raconter cet épisode de l’histoire de Tombouctou sur grand écran. « Ce qui n’est pas normal, c’est de ne pas t’approprier ta réalité », conclura le réalisateur de « Timbuktu » qui est rentré dans la compétition cannoise ce jeudi.

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