Faire du dépistage gratuit du cancer du sein un geste ordinaire de santé publique accessible à tous, c’est l’ambition de l’Institut national du cancer (Inca). Pour l’édition 2009 de sa campagne de dépistage, baptisée « Octobre rose », elle franchit une nouvelle étape. Supports d’information traduits en plusieurs langues soutiennent par exemple les actions de terrain qui visent les populations les moins touchées par ce message de prévention. Notamment les populations migrantes.
« Octobre rose » ratisse large. L’un des objectifs principaux de la cinquième édition de la campagne de dépistage du cancer du sein qui dure tout le mois d’octobre comme son nom l’indique, organisée par l’Institut national du cancer (Inca), est de toucher les femmes qui ont difficilement accès à son message de prévention pour des raisons socio-économiques ou culturelles. « La France compte 8 millions de femmes de 50 à 74 ans (la cible prioritaire de la campagne de sensibilisation), une femme sur 2 est touchée dans le cadre du programme national de dépistage [[Le taux de participation ne cesse d’augmenter depuis 2004. Il était de 51,7% pour l’année dernière]]. Maintenant, nous savons que nous serons sur des franges de population qui vont être plus difficiles à convaincre. Par conséquent, nous devons mener des actions plus ciblées et plus en affinité avec ces populations », explique Anne Ramon, directrice de l’information des publics à l’Inca.
Informer dans toutes les langues
Pour se mettre à la hauteur de cette nouvelle ambition du programme national, l’institut a mis en place un dispositif de communication qui accompagne davantage le travail déjà mené par les associations sur le terrain. La population cible reçoit à l’échelle nationale un courrier qui l’invite à effectuer un dépistage gratuit. Mais beaucoup n’y participent pas. L’Inca a donc entrepris de « décliner ses outils » pour que toutes les femmes de 50 à 74 ans qui vivent sur le territoire français comprennent que le dépistage les concerne. Entre autres, « le programme national a décidé de soutenir davantage les actions de proximité, poursuit Anne Ramon, de les valoriser et de favoriser le partage d’expériences entre acteurs du dépistage au niveau local qui se sentent parfois démunis. »
Quand il s’agit d’aider les nouveaux migrants par exemple. Une étude menée en 2007 dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) auprès des populations migrantes ont montré qu’elles avaient peur des résultats et qu’elles considéraient le simple acte de se faire dépister comme une façon de provoquer le cancer du sein. Aussi, afin de toucher les femmes d’origine étrangère, des dépliants d’information traduits en six langues – arabe, turc, mandarin, russe, portugais et anglais – sont mis à la disposition des associations du secteur social, communautaires et locales. De même, l’Inca a établi des partenariats avec des radios communautaires comme Radio Orient, Beur FM ou encore Africa n°1.
Des émissions spéciales et des spots sont diffusés sur leurs antennes.
«La priorité pour un programme de santé publique, c’est d’être accessible à tous»
« Nous menons des actions auprès de femmes d’origine arabe, musulmane, nous ont confié certaines associations qui ont noté leurs résistances face au dépistage. Le fait d’avoir des documents avec de visuels, des portraits de femmes auxquelles elles peuvent mieux s’identifier, le fait de lire l’arabe, et c’est valable pour les autres langues comme le russe pour ne citer que celle-là, leur donne l’impression qu’on s’adresse davantage à elles », souligne Anne Ramon. Ce constat, né de la pratique, fait écho à l’une des expériences conduites par l’Office de lutte contre le cancer (ODLC) en Isère en 2008. Une journée hammam a été organisée pour sensibiliser au cancer du sein les femmes avec lesquelles les ateliers santé ville du secteur 5 de Grenoble, qui regroupe les quartiers Abbaye, Léon Jouhaux et Teisseire, travaillent. Une trentaine de femmes ont participé à cette journée estampillée « féminin ».
« C’est difficile d’aller là où elles vont s’intéresser au sujet. Cette demi-journée au hammam, organisée par la coordinatrice des ateliers santé ville du secteur 5, a permis à des femmes de s’exprimer dans leur langue, en arabe, – celles qui comprenaient se chargeaient de traduire pour les autres-, et de s’approprier un message », se souvient Jocelyne Chevallier, chargée de mission au sein de l’ODLC, qui est intervenue lors de cette journée. Une quinzaine de femmes ont souhaité à la suite de l’expérience devenir des personnes-relais pour transmettre le message à d’autres. « Ce type d’action permet de toucher des personnes qui ne reçoivent pas le courrier, notamment parce qu’elles ne sont pas encore des assurés sociaux. La priorité pour un programme de santé publique, c’est d’être accessible à tous », conclut la chargée de mission. Depuis 2004, date de lancement du dépistage gratuit du cancer du sein en France, 82 000 cancers ont été détectés sur les 13 millions de personnes dépistées.