L’économiste camerounaise Vera Songwe quitte la Banque mondiale pour prendre la tête de la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies.
António Guterres ne donnera sans doute jamais les raisons pour lesquelles il a jeté son dévolu sur elle, alors que 77 candidats étaient en lice pour le poste. Toujours est-il que c’est Vera Songwe que le secrétaire général de l’ONU a choisie pour diriger la Commission économique pour l’Afrique (CEA). Première femme à accéder à cette prestigieuse fonction, cette Camerounaise acquiert aussi le rang de secrétaire général adjoint des Nations unies.
À 48 ans, elle rejoint le gratin des économistes camerounais désormais en vue à l’international, à l’instar de Célestin Monga, Hippolyte Fofack et Albert Zeufack, économistes en chef respectivement à la BAD, à Afreximbank et au département Afrique de la Banque mondiale.
Tous les quatre ont en commun d’avoir fait carrière dans cette dernière institution. Vera Songwe y a passé presque deux décennies, au cours desquelles elle a fait forte impression sur Ngozi Okonjo-Iweala. Sur le plan professionnel, cette Camerounaise doit presque tout à l’ex-argentier nigérian.
Dotée d’une assurance qui confine parfois à l’arrogance, selon certains de ses anciens collègues, Vera Songwe, présentée comme travailleuse et compétente, est aussi appréciée dans la société civile, notamment au sein de la Tony Elumelu Foundation et de l’influent African Leadership Network.
Née à Nairobi, Vera Songwe fut couvée dans la bourgeoisie anglophone du Cameroun. Son père, Joachim Songwe, dirigea l’Office national de développement de l’aviculture et du petit bétail (ONDAPB) pendant la décennie 1980. Son oncle, Christian Songwe Bongwa, fut le collaborateur direct de John Ngu Foncha, qui, en 1961, négocia les arrangements politiques et institutionnels du pays avec Ahmadou Ahidjo, après un référendum qui rattacha le Cameroun occidental à la nouvelle république.
Ce chrétien fervent, natif de Bamenda, connut par la suite une carrière ministérielle. En 1979, il siégeait dans un comité ad hoc mis sur pied, déjà, pour trouver une solution au « problème anglophone ». C’est donc naturellement que Vera Songwe entama son cursus à la catholique Our Lady of Lourdes College Mankon, à Bamenda, dans le Nord-Ouest, sa région d’origine, pour finalement atterrir en Belgique, où elle décrocha un doctorat en économie mathématique à l’Université catholique de Louvain.
Elle arrive dans une institution que son prédécesseur a marquée de son empreinte. La CEA est sortie de son quasi-anonymat à l’arrivée de Carlos Lopes, en 2012. Charismatique, combatif et parfois provocateur, au point de hérisser certains décideurs par ses prises de position, notamment sur le franc CFA, l’économiste bissau-guinéen a imposé un nouvel agenda, s’articulant autour de la transformation structurelle du continent, dont l’industrialisation constitue la pierre de touche.
Un héritage et un rayonnement intellectuels pesants que Vera Songwe devra faire fructifier. Celle dont la nomination a pris tout le monde de court et dont le style managérial est qualifié de « très directif » a les atouts pour y parvenir.
D’abord sa bonne connaissance des économies de la région. Ces dernières années, elle a été directrice des opérations de la Banque mondiale, successivement pour le Sénégal, la Mauritanie et le Cap-Vert, puis directrice régionale de l’IFC pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.