Cameroun : répression croissante des prisonniers politiques à l’approche de l’après Biya


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Le Président du Cameroun, Paul Biya
Le Président du Cameroun, Paul Biya

Amnesty International dénonce la détention arbitraire de membres de la société civile au Cameroun. pour l’ONG, le contexte de répression politique s’intensifie depuis plusieurs décennies. Le président Paul Biya, au pouvoir depuis 1982 et âgé de plus de 90 ans, fait face à des critiques croissantes pour la gestion autoritaire de son régime. Alors que l’élection présidentielle de 2025 approche, une autre question se pose de manière urgente : la préparation de l’après-Biya, alors que la santé fragile du chef de l’État alimente les rumeurs et les incertitudes.

Un régime autoritaire sous pression

Depuis les années 2000, les autorités camerounaises sont régulièrement critiquées pour leur gestion autoritaire du pouvoir, notamment en matière de répression des voix dissidentes. Des figures politiques, des journalistes, ainsi que des militants anglophones ont été arrêtés et détenus sans procès équitable. Les critiques envers le gouvernement se multiplient, dénonçant l’usage de la torture, les mauvais traitements, et les jugements par tribunaux militaires, en violation flagrante des normes internationales.

Ce climat répressif s’est particulièrement durci depuis la dernière réélection de Paul Biya en 2018, marquée par des accusations de fraude électorale et des tensions avec la minorité anglophone. Des manifestations pacifiques ont souvent été dispersées de manière violente, et les activistes arrêtés, notamment ceux liés au Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) de Maurice Kamto, un opposant majeur. Le cas le plus emblématique reste celui de Kamto lui-même, emprisonné en 2019 après avoir contesté les résultats de l’élection.

Le cas récent du Pouvoir au Peuple Camerounais (PPC)

Le 9 septembre 2024, trois sympathisants de l’association Pouvoir au Peuple Camerounais (PPC), ainsi que leurs proches, ont été arrêtés à Figuil, dans la région du Nord. Leur crime : porter des t-shirts affichant le nom de cette organisation, fondée quelques semaines plus tôt, et prônant un changement de régime. Parmi les personnes arrêtées figurent Moustapha Tizi, Mohamadou Ballo, Ibrahim Oumarou, ainsi que Hapsatou Issa, sœur d’un porte-parole du PPC. Ces arrestations sont survenues à un an de l’élection présidentielle, marquant une nouvelle vague de répression ciblée contre ceux perçus comme une menace au régime.

Amnesty International, qui a dénoncé ces détentions comme arbitraires, a appelé à la libération immédiate des détenus, soulignant que la répression s’intensifie à mesure que l’élection de 2025 approche. Les autorités continuent ainsi de museler toute forme de dissidence, comme l’a rappelé le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme lors de sa visite au Cameroun en août dernier, s’inquiétant des restrictions à la liberté d’expression et d’association.

Une répression généralisée des militants et activistes

Le cas du PPC n’est pas isolé. Le mouvement anglophone, réclamant plus d’autonomie voire l’indépendance des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, a subi une répression sanglante. Depuis 2017, le Cameroun est plongé dans un conflit armé, où les forces de sécurité sont régulièrement accusées de violations graves des droits humains, telles que des exécutions sommaires et des déplacements forcés.

Plus récemment, en juillet 2024, l’activiste Yves Kibouy Bershu, connu sous le nom de Ramon Cotta, a été arrêté au Gabon puis transféré illégalement au Cameroun. Détenu à Yaoundé, il est accusé de terrorisme et d’insurrection pour avoir critiqué les autorités sur les réseaux sociaux. Selon ses avocats, il a subi des tortures et souffre désormais d’une paralysie partielle, une situation qui viole les normes internationales de traitement des détenus, telles que les Règles Nelson Mandela.

Ces arrestations s’inscrivent dans une tendance inquiétante de détention arbitraire d’activistes, de journalistes et de défenseurs des droits humains au Cameroun. Malgré la pression internationale, le régime de Biya montre peu de signes de relâchement, au contraire, la répression semble s’intensifier.

Le Cameroun face à l’incertitude de l’après-Biya

Au-delà de la répression politique croissante, une question cruciale hante l’avenir politique du Cameroun : l’après-Biya. À plus de 90 ans, Paul Biya, plus vieux président en exercice au monde, semble de plus en plus fragilisé. Selon des rumeurs persistantes, après un malaise en Suisse, son voyage pour assister à l’Assemblée générale des Nations Unies aurait été annulé et remplacé par une hospitalisation à Paris.

Cette hospitalisation relance les spéculations sur sa santé et sur la capacité de Biya à continuer de gouverner un pays aux multiples crises. Après plus de quatre décennies de règne, la perspective de son départ du pouvoir est inévitable, ne serait ce qu’en raison de son âge avancé. Pourtant, aucune transition politique claire n’a été amorcée. Le régime reste concentré sur la répression des dissidents plutôt que sur la préparation d’une succession pacifique.

Le Cameroun se trouve à un carrefour historique. Le maintien des prisonniers politiques, comme les membres du PPC et d’autres militants détenus, prive le pays de ses forces vives, indispensables pour assurer une transition post-Biya.

Une transition démocratique nécessite la mobilisation de tous les acteurs de la société civile et des mouvements politiques, qui sont aujourd’hui réduits au silence par la répression.

Masque Africamaat
Kofi Ndale, un nom qui évoque la richesse des traditions africaines. Spécialiste de l'histoire et l'économie de l'Afrique sub-saharienne
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