Cameroun : peut-on encore douter de la candidature de Paul Biya à l’élection présidentielle de 2025 ?


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Paul Biya
Le Président du Cameroun, Paul Biya

Alors que les spéculations allaient bon train sur une éventuelle candidature de Paul Biya à l’élection présidentielle de 2025, les chefs traditionnels du Cameroun viennent d’apporter une confirmation implicite. Dans un contexte marqué par des tensions politiques et des divisions au sein de la société civile, leur soutien rejoint celui des imams, contrastant avec la position des évêques qui s’y opposent fermement. Entre contestations et adhésions stratégiques, ce climat préélectoral s’annonce déjà sous haute tension.

« Je puis vous assurer que ma détermination à vous servir demeure intacte et se renforce au quotidien, face à l’ampleur des défis auxquels nous sommes confrontés ». Cet extrait du message de fin d’année à la nation du président camerounais Paul Biya, avait amené les populations, de tous bords, à savoir que le locataire du Palais de l’Unité, serait bel et bien à 92 ans candidat à l’élection présidentielle de 2025. Et cela vient d’être confirmé, pour ne pas dire, mettre fin aux débats à ce sujet, par les chefs traditionnels du Cameroun, réunis le 27 janvier 2025, à Yaoundé.

Cette déclaration des chefs traditionnels vient apporter un poids supplémentaire à une candidature qui, bien que prévisible, restait encore officieuse. Leur prise de position est perçue par certains comme une caution traditionnelle et symbolique, renforçant l’idée que Paul Biya reste l’homme fort du pays. Pour d’autres, il s’agit d’une mise en scène orchestrée par le pouvoir en place pour donner l’illusion d’une adhésion unanime.

Selon le Conseil des chefs traditionnels du Cameroun, « dans son message de fin d’année à la Nation, le 31 décembre 2024, le chef de l’Etat, S.E. Paul Biya, a dressé un bilan sans complaisance de l’action du gouvernement au cours de l’année écoulée, puis il a tracé une feuille de route claire pour l’année 2025. Le président de la République n’a occulté aucun sujet sensible touchant à la vie de la Nation et des Camerounais ».

Quel impact pour les Camerounais

Si les chefs traditionnels soulignent la transparence et la vision du président, certains analystes estiment toutefois que ces discours sont souvent bien rodés et répétitifs, sans réelles mesures concrètes qui impacteraient le quotidien des Camerounais. Les critiques rappellent que les problèmes sociaux et économiques persistent, avec un taux de chômage élevé, une corruption enracinée et une insécurité qui s’aggrave dans certaines régions.

« A travers ce discours vérité, les chefs traditionnels du Cameroun ont compris que le président de la République entend corriger certains dysfonctionnements qui freinent le développement de notre cher et beau pays, le Cameroun, et portent préjudice au bien-être de nos populations », conclut-il.

Cependant, cette déclaration ne convainc pas tout le monde. Plusieurs voix de la société civile et de l’opposition réfutent l’idée d’une volonté de changement de la part du chef de l’Etat, qu’ils accusent de vouloir simplement assurer sa longévité au pouvoir.

Les évêques opposés à Paul Biya

Et comme le Cameroun est un pays démocratique, chacun est libre de donner son avis. Les évêques avaient ouvert le bal, en s’opposant à la candidature du président Paul Biya, lors de leur récente rencontre à Buéa. Et après l’appel à la candidature de Paul Biya fait par le président de l’Assemblée nationale Cavayé Yéguié Djibril, le 28 janvier 2025, c’était le tour des Imams de se prononcer, mais en prophétisant une large victoire au président Paul Biya.
Alors, la position des chefs traditionnels et des imams, n’a laissé personne indifférent. Elle est considérée pour la majorité des populations, comme un ”contrepoids”. Mais certains observateurs y voient surtout une tentative de renforcer la perception d’un soutien populaire, alors que des contestations existent bel et bien.

Pour Thomas K., conducteur de moto, « la dernière fois que les chefs traditionnels se réunissaient, il y a de cela 5 ans. Pourquoi maintenant à cette période précise ? Si vous êtes Camerounais et que vous analysez la scène politique, il était très prévisible que ce que nous avons observé récemment du côté de Yaoundé, les chefs traditionnels qui se sont réunis autour du ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji. On a vu quelques signatures. Mais je crois qu’au Cameroun, nous avons les chefs du 1er, 2ème et 3ème degré, il y a des centaines. Et quand j’ai regardé la liste, j’ai vu une liste de presque 12 chefs, qui ont émargé quelque part. Et je ne sais pas si les 12 chefs parlaient au nom de tous les chefs traditionnels du Cameroun ? »

Cette interrogation rejoint une crainte exprimée par plusieurs citoyens : la manipulation des instances traditionnelles et religieuses pour valider des décisions déjà prises en haut lieu. La même stratégie aurait été employée lors des élections précédentes, selon certains analystes.

Des soupcons de fraudes

« Et comme si cela ne suffisait pas, Elecam, l’organe en charge des élections au Cameroun, vient de remuer le couteau dans la plaie, en déclarant que sa base de données a été piratée. Qu’est-ce qui se cache derrière cette information ? Et de l’autre côté, les organisations des droits de l’homme sont pourchassées. J’ai comme l’impression que le ministre de l’Administration balayait le chemin à la candidature de Paul Biya » ajoute-t-il.
Cette déclaration fait écho aux accusations récurrentes de fraudes électorales et de restriction des libertés civiles à l’approche des scrutins majeurs.

« J’ai vraiment honte à leur place. C’est une très haute trahison de la part de nos gardiens de traditions, qui pour certains, ont un salaire mensuel de 50 000 FCFA et les leaders religieux musulmans, qui doivent attendre le voyage à la Mecque, pour bénéficier de quelques faveurs. Alors, à l’allure où vont les choses, le Cameroun risquera de devenir comme la Côte d’Ivoire après Félix Houphouët-Boigny ou comme le Zaïre (RDC) après Mobutu Sese Seko », conclut-elle.

Masque Africamaat
Spécialiste de l'actualité d'Afrique Centrale, mais pas uniquement ! Et ne dédaigne pas travailler sur la culture et l'histoire de temps en temps.
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