Prêtres et religieuses agressés, enlevés ou tués, paroisses visitées et pillées par des malfrats, hommes d’Eglise parfois abusivement interpellés et humiliés. l’Eglise catholique se sent en insécurité. Le clergé crie son ras-le bol et interpelle les pouvoirs publics.
(De notre correspondant)
L’Eglise catholique du Cameroun est sortie de ses gonds. Dans une déclaration rendue publique en début de semaine, elle dénonce les injustices dont elle est victime. « Le Cameroun, terre de paix et de respect de la dignité de toute personne humaine, se transforme, chaque jour, sous nos yeux, en un no man’s land où l’impunité fait davantage régner l’insécurité et les abus de pouvoir à tous les niveaux », dénonce le clergé sous la signature de Fidèle Mabegle, Vicaire général de l’archidiocèse de Douala.
Le regain récent des violences religieuses
Cette sortie est la conséquence de l’enlèvement, de l’humiliation et de la détention abusive d’un prêtre, le 24 janvier à Douala. En effet, le père Gnammi Kasco avait alors été enlevé nuitamment par deux gendarmes qui l’ont déporté à Yaoundé sans en informer sa hiérarchie. « Cet acte montre à suffisance l’insécurité dans laquelle nous vivons dans notre pays, où des hommes sans foi ni loi peuvent, au nom de la sécurité publique commettre touts sortes d’exactions et continuer paisiblement leur vie sans être inquiétés », écrit le clergé.
A l’en croire, depuis juin 2010, dans la seule ville de Douala, douze paroisses ont été braquées. « Point n’est besoin de rappeler la multitude des cas d’agressions intolérables contre le clergé ou d’autres citoyens : insolences, arrogances, brutalités, humiliation, enlèvement et disparitions des personnes, assassinats », fait remarquer l’Eglise. Le clergé catholique appelle les forces de sécurité à plus de responsabilités et interpellent les pouvoirs publics. « Nous dénonçons le silence de certaines autorités publiques qui dénote une volonté de méconnaissance ou de l’indifférence ».
Chronique des années sanglantes de l’Eglise camerounaise
L’abbé Joseph Mbassi qui fût pendant de nombreuses années rédacteur en chef de l’effort camerounais, journal catholique créé en 1955 est retrouvé mort le 26 octobre 1988 dans sa chambre. Les meurtriers n’avaient rien emporté, alimentant ainsi la thèse du meurtre.
Le père Anthony Fongtegh a été tué en 1990 à Bamenda. L’Eglise n’avait pas encore complètement fait le deuil de ce prélat qu’était assassiné, le 3 septembre 1991 à Ngaoundéré, Mgr Yves Plumey, archevêque émérite de Garoua. Les circonstances de cette mort mystérieuse n’ont jamais été élucidées.
Deux sœurs, Germaine Marie Husband et Marie Léonne Bordy, avaient également été abattues dans leur résidence, le 2 août 1992. Responsables du dispensaire de la mission catholique locale, elles seront retrouvées humiliées et baignant dans une marre de sang. Leur jardinier sera très vite désigné comme coupable et condamné à la peine capitale.
Mais c’est le passage de vie à trépas du Père jésuite Engelbert Mveng qui défraiera la chronique. Enseignant d’université, écrivain et auteur prolifique aux points de vue iconoclaste, il est retrouvé mort un matin du 23 avril 1995 avec une profonde blessure à la tête. Rien ne se sera emporté de sa chambre.
Apollinaire Claude Ndi, curé de Nkol-Tob par Awaé non loin de Yaoundé, est assassiné dans la nuit du 20 au 21 avril 2001.
Dans la plupart des cas, les circonstances de ces assassinats ne seront jamais élucidées par les enquêtes policières et les coupables ne seront jamais retrouvés.
« Nous sommes nés de l’espérance et annonçons l’espérance. Même si le mal et la mort semblent triompher maintenant, nous sommes sûrs que le bien et la vie prévaudront un jour…Nous combattrons les injustices et la délinquance toute notre vie. Nous irons de l’avant, sans nous lasser, comme de bons soldats, assurés de la victoire finale. Jésus a triomphé du monde. Et si nous lui restons unis par la foi, nous triompherons avec lui et par lui », se console le clergé dans sa déclaration.