Après une dizaine d’années de procédure, le tribunal de grande instance de Douala a condamné Nestlé-Cameroun à payer plus d’un million d’euros à Codilait une société locale. Celle-ci avait accusé la filiale du leader mondial de l’agroalimentaire d’avoir coupé son lait avec d’autres produits, pour augmenter sa marge bénéficiaire. Insatisfait par la décision du tribunal, le patron de Codilait pourrait interjeter appel.
La justice camerounaise a été clémente envers la multinationale agroalimentaire Suisse, poursuivie depuis huit ans pour concurrence déloyale par Codilait, une société laitière locale. Selon une dépêche de l’AFP publiée samedi, le tribunal de grande instance de Douala, la capitale économique, a reconnu coupable le 14 juillet, Nestlé Cameroun, filiale de Nestlé et cinq entreprises camerounaises de « concurrence déloyale et fraude douanière ». Elles doivent payer solidairement 740 millions de francs CFA (1,128 millions d’euros) au plaignant. Nestlé devra s’acquitter de la plus grande somme, soit environ 721 000 euros. Onze autres entreprises poursuivies dans la même affaire ont été mises hors de cause.
Cette décision, même si elle ne satisfait pas pleinement la direction de Codilait, constitue une étape de franchie, dans une procédure qui dure depuis plus de dix ans. Les faits commencent au lendemain de la dévaluation du francs CFA, en janvier 1994. Comme la plupart des sociétés, Nestlé-Cameroun doit faire faire face à l’inflation qui s’ensuit. Elle décide alors de tricher sur la composition de son lait en y ajoutant des produits de synthèses moins coûteux. Une combine d’autant plus difficile à déceler que le produit frelaté proposé aux consommateurs camerounais conserve l’apparence et la texture du lait tel que présenté par les étiquettes. Nestlé peut ainsi continuer à engranger d’énormes profits, tandis que l’industrie laitière locale fait faillite. Codilait se voit obligé de mettre au chômage technique ses 150 employés.
Fraude douanière et concurrence déloyale
Mais au bout de quelques années, la supercherie finit par se savoir et provoque une levée de boucliers de la presse. « Du faux lait vendu au Cameroun depuis 6 ans », titre le quotidien gouvernemental Cameroun Tribune, dans son édition du 7 août 2000. Côté justice, il y a Codilait qui engage des poursuites pour « concurrence déloyale ». Mais il y a aussi l’Etat camerounais qui se plaint de « fraude fiscalo-douanière », les produits déclarés par la société suisse n’étant pas ceux effectivement importés. Mais cette plainte du gouvernement camerounais sera finalement abandonnée, quelques années plus tard. De son côté, l’Office de lutte antifraude européen (Olaf) qu’intéresse l’usage fait des subventions généreusement accordées par l’Union européenne au secteur agro-alimentaire diligente une enquête qui confirme la supercherie. Il faudra finalement, après une série de renvois, près d’une dizaine d’années à la justice camerounaise, pour rendre une décision dans le dossier.
Cependant, le dossier risque de ne pas être clos. Le patron de Codilait, Pius Bissek, a indiqué à l’AFP qu’il n’était pas satisfait du jugement. « Une expertise judiciaire avait fixé le préjudice que j’ai subi à 4,3 milliards de francs CFA (6,5 millions d’euros). Le tribunal aurait pu m’accorder au moins la moitié de cette somme », a-t-il déclaré. Il envisage d’interjeter appel.