Au Cameroun, la décision du Conseil national de communication (CNC) de fermer la chaîne pendant une durée d’un mois a fait polémique. Des dizaines de manifestants ont empêché, lundi, la fermeture des locaux de la chaîne panafricaine « Afrique Média » à Douala. Ils étaient rassemblés, depuis ce week-end, en soutien au média.
Le 4 juin dernier, le Conseil national de communication (CNC) camerounais a pris la décision de suspendre pour un mois la chaîne panafricaine Afrique Média, basée au Cameroun. A l’époque, les dirigeants de l’entreprise avaient fait appel de cette décision devant le Tribunal administratif, contestant la procédure et les raisons invoquées par l’organe de régulation. Alors que les bureaux de la chaîne à Yaoundé ont été fermés le 6 août dernier, les manifestants ont empêché la fermeture des locaux de Douala, d’où le média continuait d’émettre, ce lundi.
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Nombreuses réactions d’indignation
Les manifestants, rassemblés devant les locaux de la capitale économique, ont contraint les forces de l’ordre à rebrousser chemin. Le CNC, qui avait prononcé la suspension temporaire d’Afrique Média, attendait le retour du gouverneur de la province, lundi, pour voir sa décision appliquée. L’institution de régulation avait, dans un communiqué, justifié sa décision au regard de « la généralisation des manquements professionnels » et « des confusions préjudiciables entre liberté d’opinion et les atteintes à la dignité des personnes » dans deux émissions.
Le CNC accusait aussi certains invités, qui s’étaient exprimés dans ce médias, d’avoir proféré « des accusations non justifiées et des appels à la haine susceptibles de porter atteinte à l’image et à l’honneur de personnalités, d’institutions et pays étrangers », selon le texte. La décision avait créé la polémique au Cameroun et ailleurs, provoquant une vague d’indignation de nombres d’Africains sur les réseaux sociaux qui dénoncent une volonté de censure de la part du pouvoir, à l’instigation de la France. La chaîne Afrique Média apparaît comme unique dans le paysage télévisuel panafricain pour sa dénonciation ostensible de l’impérialisme occidental sur le continent africain.
La main de la France
Elle continue à donner la voix à des intervenants ayant des avis tranchés. Au sujet de Boko Haram notamment, la France a été accusée de soutenir la secte islamiste pour déstabiliser le Cameroun et le Nigeria. L’intervention de l’OTAN en Libye, perçue comme la volonté de renverser Mouammar Kadhafi, a été soulevée par plusieurs invités, de même que le bombardement de la résidence de l’ex-Président Laurent Gbagbo par l’armée française en Côte d’Ivoire, dénoncé comme une ingérence de la France.
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A l’époque, la décision du CNC du 4 juin avait été critiquée par les dirigeants de la chaîne comme étant la conséquence d’une injonction des autorités françaises, quelques jours avant la venue du Président François Hollande au Cameroun, au cours d’une tournée africaine. L’association des journalistes du Cameroun (SNJC) avait alors vivement attaqué le CNC et appelé « tous les hommes et femmes de médias, exerçant sur le territoire camerounais, à boycotter » l’organe de régulation. Le SNJC avait indiqué que le président était illégitime, son mandat légal ayant expiré il y a près de six mois.
Afrique Média se présente comme « l’espace d’expression et de promotion des valeurs africaines par excellence ». Elle est reçue au Cameroun et dans les pays voisins, notamment en Guinée équatoriale d’où les dirigeants de la chaîne ont indiqué qu’elle allait continuer à émettre prochainement. Le média indique être « la première chaîne panafricaine d’information multilingue », s’exprimant en français, en anglais et en espagnol. Selon un récent sondage, elle serait la troisième chaîne de télévision la plus regardée au Cameroun.