Les anciens habitants du quartier de Ntaba, rasé il y a deux semaines, ont organisé un sit-in lundi devant les services du premier ministre. Ils espéraient ainsi obtenir leur relogement et échapper à des conditions de vie précaires. Des conditions si précaires qu’elles auraient coûté la vie à quatre déguerpis. Reportage.
De notre correspondante au Cameroun
Le collectif des anciens habitants de Ntaba se sont retrouvés ce lundi 11 août devant les services du premier ministre dans le but d’attirer l’attention de la communauté nationale et internationale sur leurs conditions de vie. Après de nombreuses démarches sans suite auprès de la Communauté urbaine de Yaoundé, les populations du quartier marécageux rasé ont estimé que la voix de la primature était la plus indiquée pour juger de leur cas.
Lors du déguerpissement à Ntaba il y a deux semaines, précédé par un préavis de huit jours selon les délogés rencontrés, près 450 personnes ont été recensées. Ce lundi, elles étaient à peine 80 assises à l’entrée de la primature.
« Nous voulons un recasement immédiat »
Deux cars de police sont venus avec des éléments des forces de l’ordre pour éviter des débordements. Dans la foule, un policier a déclaré : « Au lieu d’aller faire le « sit-in » chez [le délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Yaoundé] Tsimi Evouna, ils viennent ici déranger les gens ». Pourtant, les populations délogées sont claires : « Nous ne voulons pas la guerre. Tout ce que le gouvernement va nous donner, nous allons l’accepter. A condition que nous ne passions plus nos nuits dehors. Nous voulons un recasement immédiat », lance un manifestant.
Un cri commun à tous les délogés. « Nous avons été déguerpis comme un arbre qu’on déracine. Cela est anormal que des gens vivent à un endroit pendant 50 ans et qu’on les déracine comme ça », explique l’un d’entre eux. Et Sébastien, père de quatre enfants et commerçant, de renchérir : « Les étrangers sont recasés au Nord. Nous, les Camerounais, nous sommes jetés dans la rue sans rien ».
Conditions de vie sont plus désastreuses
Depuis les casses de Ntaba, les populations sont en effet livrées à elles-mêmes. Elles se sont réfugiées auprès de leur famille ou dans leur ancien quartier, où elles ont construit des cabanes. D’autres se sont installées dans des églises. Les déguerpis ne sont pas pris en charge sur le plan médical et les conditions de vie sont plus désastreuses qu’avant. Une précarité qui aurait causé la mort de quatre délogés.
« Nous n’avons aucune aide. Pas de médicaments, pas de couvertures, pas de tentes et, le soir, nous pouvons mourir de froid ! Lors des casses, nous n’avons pas pu récupérer nos choses », atteste Marie Ngo Nsima, dont la famille habitait le quartier depuis 45 ans.
« Nous souffrons énormément, nous avons besoin de vivre, de manger. L’être humain a des droits. Chez nous, ils sont bafoués », ajoute avec colère Sébastien, certain que ses enfants n’iront pas à l’école cette année. Assis sur l’asphalte à l’entrée de la primature, Paul Matang, propriétaire terrien à Ntaba depuis 1973, assure qu’il est bien décidé à faire valoir ses droits : « Je peux dormir ici tous les jours devant les services du premier ministre car c’est le seul recours que j’ai. Je ne compte sur personne d’autre que moi-même ».