Cameroun : le torchon brûle entre la Société nationale d’électricité et les organisations de défense des droits des consommateurs


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Pylône pour transporter l'électricité
Pylône pour transporter l'électricité

« Les tarifs d’électricité pour les clients moyenne tension, fixés et appliqués depuis le 1er janvier 2023, augmenteront progressivement jusqu’en 2026 : de 5 % par an pour les consommations comprises entre 0 et 3 MW, et de 10 % pour celles comprises entre 3 et 10 MW ». Cette décision d’Enéo, la société nationale d’électricité du Cameroun, est à l’origine du conflit avec les organisations de défense des droits des consommateurs, représentées par la Fondation camerounaise des consommateurs (Focaco) et le Collectif des organisations des consommateurs du Cameroun (Coc).

Le 14 novembre 2024, les membres de ces deux organisations (FOCACO et COC) ont été dispersés par les forces de l’ordre alors qu’ils organisaient un sit-in devant le siège social d’Enéo à Koumassi-Douala. Cette manifestation pacifique visait à protester contre la hausse des tarifs d’électricité au Cameroun.

Protestations et désespoir des consommateurs

« Pourquoi nos forces de l’ordre ne peuvent-elles pas encadrer une marche pacifique déclarée, comme cela se fait ailleurs ? N’avons-nous pas le droit d’exprimer notre mécontentement face à des décisions qui compliquent encore la vie des populations ? » s’interroge Fabrice T., un chauffeur de taxi. « C’est incompréhensible qu’un pays comme le nôtre, riche en ressources naturelles et doté de nombreux cours d’eau et barrages, continue d’augmenter le prix des services de base. Depuis le 1er novembre 2024, de nombreux abonnés utilisant des compteurs prépayés sont facturés à 79 FCFA le Kwh au lieu de 50 FCFA, et cela, malgré une qualité de service déplorable. »

Pour Nadine G., une couturière, la hausse des tarifs n’est pas problématique en soi, à condition qu’elle améliore la qualité du service. «la hausse de tarif d’électricité en elle-même, n’est pas une mauvaise chose. Si elle pouvait permettre que nous ayons de moins en moins ou même plus de coupures d’électricité, je serais plus contente que tout autre citoyen. Je ne peux pas vous dire les dommages que ces innombrables coupures intempestives créent dans les entreprises et dans les ménages. Tenez, suite aux coupures d’électricité, les entreprises sont toujours en arrêt d’activité, mais les employés doivent être payés à la fin du mois, de l’autre côté, les services des impôts ne tiennent pas compte de cela, les délais de livraison ne sont pas respectés, les travailleurs sont obligés d’observer des pauses obligatoires, les appareils sont grillés dans les ménages, entrainant la pourriture des denrées alimentaires dans les congélateurs. Il arrive souvent qu’en enregistre des cas d’électrocution. Là où le bât blesse, c’est que Enéo (entreprise en charge de la gestion et de la distribution de l’énergie électrique), étant une propriété de l’Etat camerounais, en aucun cas, tu ne pourras jamais gagner un procès intenté contre elle. (ndld : Enéo est détenue par le groupe américain AES Corporation, acteur majeur de l’électricité au niveau mondial, et le gouvernement camerounais).
»

Elle ajoute : « Alors, je dis “oui” à toute hausse qui améliorerait la qualité des prestations et réduirait les grincements de dents des consommateurs. »

Une situation complexe

Les tensions entre Enéo et les organisations de défense des consommateurs reflètent une situation délicate. D’un côté, la nécessité d’investir dans le réseau électrique pour améliorer la qualité du service semble évidente. De l’autre, les consommateurs, déjà durement touchés par la hausse du coût de la vie, peinent à accepter des augmentations tarifaires sans garanties tangibles d’amélioration.

Dans ce contexte, les revendications des consommateurs camerounais mettent en lumière un enjeu plus large : celui de l’équilibre entre la rentabilité des entreprises publiques ou semi-publiques et l’accessibilité des services essentiels pour la population.

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