Cameroun : le rite de veuvage, c’est quoi au juste ?


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Une femme assise sur une tombe
Une femme assise sur une tombe

S’il existe un rite traditionnel dont la seule évocation suscite une humeur noire, c’est bien celui du veuvage. Au Cameroun, selon les tribus, c’est une coutume redoutée des hommes mais encore plus des femmes à cause de ses pratiques jugées humiliantes.

Au-delà de la pratique, c’est tout un symbole. Le rite de veuvage tel que perçu par nos aïeux, est un acte traditionnel dont le but est d’accompagner l’esprit du défunt vers le monde des morts. C’est un rite de purification pratiqué sur un veuf ou une veuve contre la souillure de la mort. Aujourd’hui on peut regretter le fait que ceux qui le pratiquent, ne maitrisent pas du tout sa signification : d’où les dérapages observés.

Du coup c’est à chacun son interprétation. Un coup c’est un passage obligatoire dans lequel la belle-famille décide du sort de la veuve ou du veuf, et une autre fois c’est l’occasion de se venger de la veuve qui aurait tiré profit des revenus du défunt de son vivant.

Toutefois on se rend compte que c’est la veuve qui trinque à tous les coups. Les pratiques dont elles font preuve sont de plusieurs niveaux. À l’annonce du décès du mari la femme entre directement dans le veuvage : elle reste couchée et assise à même le sol, elle est dépourvue de vêtements, elle marche la tête baissée avec les poings fermés et le visage est couvert de cendres ou de kaolin blanc en signe de deuil.

Elle reste enfermée dans la case du défunt, toute  nue, sans nourriture, sans droit de se laver et sans droit de visites. Après l’inhumation, elle est soumise à une autre série d’épreuves.

Chaque matin, elle est contrainte d’effectuer une course à pied. Le corps à moitié nu. Et pendant celle-ci le corps est à la merci des moustiques, de la première rosée du matin et des herbes épineuses. Cette étape est appelée la course de « l’antilope ».

Puis chargée d’un tronc de bananier dont les feuilles trainent à même le sol, elle doit effectuer le tour de la concession familiale. À sa suite, ses belles sœurs lui courent après en piétinant lesdites feuilles dans le but de ralentir sa course et d’augmenter son effort. Au cas où elle tombe, elle est fouettée avec les nervures de bananier. Ensuite elle est chargée d’un caillou sur la tête avec lequel elle effectue une danse tout en criant le nom de son regretté mari. Et pendant qu’elle chante, elle est battue par sa belle-famille sous prétexte qu’elle est la cause du décès de son mari. Bien sur ces rites varient d’une tribu à une autre mais en général c’est le même fil conducteur.

Le rite de veuvage pratiqué sur la femme est jugé très contraignant par rapport à celui de l’homme. Dans certaines familles on le justifie par le fait que la coutume du veuvage est une manière pour la femme de rembourser la dot que le défunt a versé avant de la prendre pour femme.  Et chez d’autres, cela se justifie dans le cas des mariages mixtes. Lorsqu’une femme  va en mariage dans une autre tribu, elle fait l’objet de brimades surtout, si elle ne maîtrise pas la coutume de veuvage de sa belle-famille.

Chez l’homme par contre il est très souple. Et cela ne se résume qu’à la remise de cadeaux aux différents membres de la famille de la défunte. Au regard des inégalités et des dérives observées pendant le rite de veuvage, l’on peut se poser la question de savoir s’il a encore un sens aujourd’hui et donc si cela vaut encore la peine de le suivre ?

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