L’élection présidentielle à un tour du Cameroun aura lieu le 11 octobre prochain. Les autorités s’emploient à prouver qu’elles veulent un scrutin net et sans bavure. Le Président sortant Paul Biya pourrait, s’il se représente, remporter un nouveau mandat en raison des divisions au sein de l’opposition.
Opération élection propre. Le Président camerounais Paul Biya a annoncé, samedi par décret alors qu’il était à l’étranger, que le scrutin à un tour pour la magistrature suprême se déroulera le 11 octobre prochain. Une échéance que les autorités ont voulu marquer du sceau de la clarté, en multipliant, avec l’aide de pays partenaires, les mesures de transparence. Peut-être la solution pour mettre fin aux présomptions de fraudes qui avaient entaché les précédentes élections. Mais d’aucuns estiment que l’issu du vote reconduira le chef l’Etat sortant à la tête du pays pendant cinq ans, si ce dernier se représente.
L’avant présidentielle a été marquée par l’assassinat de John Nkohtem, un militant du Society democratic front (opposition) de John Fru Ndi. « Il était le beau-frère d’un chef traditionnel proche du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir). Ce dernier aurait demandé au cours d’un meeting que l’on s’occupe du cas du militant, qui aurait plusieurs fois insulté le chef », explique Alexandre Djimeli, journaliste politique au journal Le Messager. Plusieurs personnes auraient été interpellées et une enquête est en cours.
Faible engouement des Camerounais
Deux jours après l’annonce du jour de l’élection présidentielle, les Camerounais sont dans l’ensemble calmes. Un calme qui, selon certains, pourrait progressivement glisser vers un intérêt soutenu avec le début de la campagne. D’autres estiment plutôt que le taux d’abstention devrait être très élevé. « L’engouement de la population est faible, ce qui me conforte dans l’idée qu’elle ne se présentera pas en masse aux urnes. Elle n’a pas été suffisamment préparée à l’élection. Il aurait fallu la rassurer, l’informer », précise Achille Kotto, président du Comité citoyen pour la transparence électorale.
Ce qui rassure en partie ceux qui suivent la préparation du scrutin, c’est que l’élection à venir devrait être plus transparente que les précédentes. Les pouvoirs de l’Observatoire national des élections (Onel), instance créée à la place de la Commission électorale nationale indépendante voulue par l’opposition, ont été renforcés. Le Quotidien Mutations précise que « 155 millions de F CFA » seront affectés « à la préparation des responsables et délégués de l’Observatoire, chargés de la supervision et du contrôle ». Des observateurs locaux vont participer à la surveillance de l’élection. Parmi eux l’Onel et plusieurs églises. Sur le plan international, les accréditations n’ont pas encore été décernées.
Urnes transparentes bientôt dispatchées
Autre mesure destinée à prouver la bonne foi des autorités, le ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation voulait moderniser le processus électoral en inaugurant 23 000 urnes transparentes. Trop chères pour le pays, elles ont été offertes par le Japon (15 000) et la Grande-Bretagne (10 000). Le Canada se chargera de dispatcher les précieuses boites à travers le pays. « Avant les urnes étaient en bois et cela prêtait à confusion. Certains disaient qu’elles étaient ‘bourrées’, c’est-à-dire qu’il y avait un double fond », commente Lebogo Ndongo, journaliste à Cameroon Tribune.
A défaut d’avoir informatisé les fichiers électoraux, officiellement pour manque de temps et d’argent, le pouvoir a procédé à une refonte des fichiers en janvier. Alexandre Djimeli explique que ces inscriptions devaient être effectuées dans des commissions d’inscription installées près des sous-préfectures, mais que finalement ce sont des chefs de quartier qui se sont acquittés de la tâche.
Deux fois moins d’inscrits que prévu
Au terme des inscriptions, qui ont pris fin avec la convocation du corps électoral samedi, l’Onel a recensé 4,2 millions d’inscrits, soit beaucoup moins que le nombre d’électeurs potentiels. Selon les sources, ils auraient dû être entre 8 et 9 millions, sur quelque 16 millions d’âmes du pays, une estimation qui tient compte du poids conséquent de la population jeune. « Cette situation s’explique notamment par le fait que, pour s’inscrire, il fallait être impérativement muni de la carte d’identité nationale électronique, que beaucoup de Camerounais ne possèdent pas. Ce n’est qu’à deux ou trois jours de l’annonce de la date de la présidentielle que l’Onel est descendue sur le terrain pour dire que toutes les pièces d’identité (permis de conduire, acte de naissance, ancienne carte d’identité,…) permettaient l’inscription. Cela n’a pas laissé beaucoup de temps aux gens pour se retourner », commente Alexandre Djimeli.
« Aucun citoyen n’a la certitude d’être inscrit sur les listes car, en accord avec la loi, ils ne reçoivent pas un récépissé le leur certifiant. Ce qui a participé à ne pas motiver les gens à se déplacer pour s’inscrire. Avec un électorat non représentatif de la vraie masse des électeurs, un système à un tour, et un taux d’abstention qui devrait se situer entre 30 et 40%, l’élection ne reflétera pas le choix des Camerounais », ajoute pour sa part Achille Kotto.
Paul Biya assuré de gagner, « sauf grosse surprise »
Un choix qui, a priori, devrait voir la reconduction du RDPC, de Paul Biya, s’il se représente. Le Président sortant de 71 ans ne s’est en effet pas présenté à sa succession, situation à laquelle, selon certains, il devrait mettre fin d’ici peu. Il a légalement jusqu’au 16 septembre pour se déclarer candidat. Son principal opposant, John Fru Ndi (63 ans) a été investi par son parti. Mais faisant parti de la Coalition pour la réconciliation et la reconstruction nationale (CRRN), il devra se mesurer aux autres candidats du groupe d’opposition élus par leurs partis.
Certains considèrent que si Paul Biya brigue un nouveau mandat, il devrait être réinvesti sans difficulté. « D’ici la date limite de dépôt des dossiers, certaines coalitions auront éclaté, comme cela s’est déjà produit en 1992 et 1997. Autant de divisions, sans compter les quelque 200 partis du pays, qui devraient laisser le champ libre à Paul Biya. Sauf grosse surprise », estime Lebogo Ndongo. « Certains éléments laissent à penser qu’il va se représenter, comme le fait qu’il n’y ait pas eu de préparation visible à sa succession. Mais Paul Biya est un fin stratège politique. Il est là où on ne l’attend pas. Donc les deux hypothèses se valent », estime Achille Kotto. L’élection laisserait donc peu de suspens, excepté si Paul Biya ne se présentait pas.