S.E. Mme Samuela Isopi, Ambassadeur d’Italie au Cameroun saisit l’opportunité que lui offre la célébration du 71è anniversaire de la fondation de l’Italie Républicaine pour brosser à Afrik.com le bilan de son séjour de 3 ans en terre camerounaise.
Afrik.com : S.E.Mme Samuela Isopi, en date du 2 juin dernier, votre résidence a connu une affluence inhabituelle. Qu’y avait-il ?
Samuela Isopi : Ce jour-là, nous nous étions retrouvés ensemble pour célébrer le soixante et onzième anniversaire de la fondation de l’Italie Républicaine, née le 2 juin 1946, quand le peuple italien a exprimé le choix entre Monarchie et République, un choix qui a changé notre histoire, après 24 ans de dictature fasciste, la deuxième Guerre Mondiale et la guerre civile entre les partisans de la résistance contre l’occupation étrangère et les forces «collaborationnistes ». Ces évènements avaient laissé un pays détruit et divisé, entre le Nord et le Centre, qui se sont exprimés pour une transition à l’Italie républicaine, et le Sud, resté fidèle à la Monarchie. 12 millions de votes pour la République contre 10 millions pour la Monarchie ont décidé la création de l’Italie moderne. Ce même jour, les Italiens ont aussi voté pour élire l’Assemblée constituante qui a ensuite adopté notre nouvelle Constitution, entrée en vigueur le 1er janvier 1948, fondée sur les valeurs du travail, de la liberté, de la démocratie et de la solidarité.
Ce sont les mêmes valeurs qui ont rassemblé le pays après la guerre et l’ont guidé parmi ces premiers soixante-dix ans de son histoire. Chaque année, ce même jour, nous célébrons et partageons ces valeurs avec tous nos partenaires.
Afrik.com : Il y a de cela quelques jours, vous avez célébré le 70è anniversaire du Plan Marshall. Quelle est la symbolique de cette célébration ?
Samuela Isopi : Il y a de cela quelques jours, nous avons célébré le 70ème anniversaire du Plan Marshall : un symbole de la coopération fructueuse entre les deux côtés de l’Atlantique, mais surtout une preuve concrète et efficace de l’importance de cet esprit d’ouverture, de coopération et de solidarité. Un esprit que nous ne devons et ne pouvons pas perdre. C’est le message qui nous a inspiré, cette année, pour les célébrations de la Fête de la République Italienne. Un message qui a déjà été au cœur d’un autre Anniversaire important, celui de la signature des Traités de Rome qui ont fondé, en 1957, l’Union Européenne.
Aujourd’hui, nous sommes plus que jamais engagés aux côtés de nos partenaires européens pour continuer ensemble à partager et à promouvoir, dans nos relations internationales, nos valeurs communes de démocratie, liberté, ouverture, cohésion, dialogue et vivre ensemble, ensemble dans la diversité, qui inspirent l’action extérieure de l’Union et des Pays Membres.
A ce même esprit de coopération et de nécessité d’une « confiance renouvelée », nous avons dédié le Sommet G7 sous la Présidence italienne, qui vient de s’achever à Taormina en Sicile, au Sud de l’Italie, terre d’arrivée de milliers de migrants en provenance de l’Afrique et des pays en guerre du Moyen-Orient et de l’Asie. Migrants qui continuent d’être sauvés et accueillis. Malgré les différences, à Taormina nous avons réaffirmé certaines valeurs et objectifs communs : la lutte contre l’extrémisme, les migrations, la priorité accordée à l’Afrique et à un nouveau partenariat, égalitaire, avec le continent et les pays africains.
Afrik.com : Quel est votre point de vue sur l’état des relations en 2017 entre votre pays et le Cameroun d’une part et entre le Cameroun et l’Europe d’autre part ?
Samuela Isopi : 2017 marque une autre année spéciale dans l’histoire de nos relations avec le Cameroun. La Visite d’Etat du Président de la République, S.E. Paul Biya, à Rome, a représenté une autre étape historique dans notre coopération, dans les relations entre le Cameroun et l’Italie, entre le Cameroun et l’Europe. Cette nouvelle étape a démontré que nous partageons, que le Cameroun partage avec l’Italie et avec l’Europe, ces mêmes valeurs, cette même aspiration à l’ouverture, à la coopération, au dialogue, à l’engagement et à la responsabilité partagée. C’était cela pour nous le résultat le plus important de cette visite et de nombreux échanges avec les hauts dirigeants de nos institutions, la communauté d’affaires italienne et notre système éducatif et universitaire.
Ils ont trouvé à Rome des partenaires économiques prêts à accompagner le Cameroun vers l’émergence. Ils ont réaffirmé leur intérêt pour le grand potentiel du pays et ils ont souhaité pouvoir compter sur une amélioration constante et renforcée du climat des affaires. La présence massive des entreprises italiennes à Promote, avec le deuxième plus grand pavillon national du Salon, après celui de nos partenaires français, et la mission économique conduite par le Ministre Délégué Mario Giro, qui a enregistré la participation d’une centaine d’opérateurs économiques italiens, témoignent de cette volonté concrète et des potentialités de la coopération avec l’Italie et avec l’Europe pour un développement et une transformation réelle de l’économie camerounaise. Nous allons relancer, dans les prochains jours, le Cercle d’Affaires italien du Cameroun qui compte désormais, avec les nombreuses sociétés arrivées dans ces dernières années, au moins une centaine de membres. Je salue ici la présence parmi nous de plusieurs de ces sociétés et je salue leur engagement en leur encourageant à se faire porte-parole de ces mêmes principes, d’un « business » propre et gagnant-gagnant pour contribuer d’une façon juste et efficace au développement du pays, selon l’esprit de la nouvelle impulsion que nos autorités nationales et les institutions européennes veulent donner pour un partenariat différent et égalitaire avec l’Afrique.
Afrik.com : Pouvez-vous énumérer quelques réalisations italiennes au Cameroun et dans la sous-région Afrique centrale ?
Samuela Isopi : Nous avons déjà d’importantes « success stories », telles que, entre autres, le pôle italien de l’Université de Dschang; la coopération entre l’Ecole Nationale Supérieure des Travaux Publics et l’Université de Padoue, qui est cofinancée par l’Italie et l’Union européenne. Notre souhait est de voir cette filière se renforcer. De nouveaux accords et initiatives ont été lancés avec Douala, Buea, Bandjoun et d’autres pour des programmes de formation conjointe dans des filières à vocation technique et de professionnalisation. Sans oublier la culture qui, après l’expérience de l’IFA de Mbalmayo (Institut de Formation artistique, le seul en Afrique Centrale crée grâce aussi à l’appui de la Coopération italienne et de l’Union européenne), est au cœur de la création d’une Libre Académie de Beaux-arts à Douala, réalisée par des partenaires italiens, qui bénéficiera d’un accompagnement de la Coopération italienne visant à encourager les talents camerounais et le développement des industries créatives. Je salue ici la présence de ces partenaires italiens avec lesquels nous allons inaugurer la semaine prochaine à Douala une exposition d’art dédiée aux jeunes talents artistiques camerounais.
Nos sentiments d’amitié et notre engagement pour un renforcement de la coopération s’adressent aussi à la République Centrafricaine, au Tchad et à la Guinée Equatoriale. La Centrafrique occupe, de plus en plus, une place importante dans notre attention pour l’Afrique, comme le témoigne l’ouverture d’un bureau de l’Agence italienne pour la Coopération au Développement à Bangui et la réalisation des premiers programmes bilatéraux. Nous saluons la présence, ici ce soir parmi nous, de 15 Diplomates centrafricains qui participent, dans le cadre d’une coopération tripartite Italie-Cameroun-République Centrafricaine, à un programme de formation organisé par l’Ecole Supérieure Sainte-Anne de Pise, en collaboration avec l’Institut des Relations Internationales du Cameroun.
Nous allons bientôt renforcer notre présence aussi au Tchad avec la nomination d’un Envoyé Spécial pour le pays qui résidera entre Rome et N’Djamena.
Afrik.com : Que compte faire votre Ambassade d’ici la fin de cette année ?
Samuela Isopi : Avant la fin 2017, nous espérons finaliser l’ouverture à Douala d’un «desk » de l’Institut Italien du Commerce Extérieur, l’Agence du Ministère pour le Développement économique qui s’occupe de la promotion des relations économiques et commerciales avec les pays partenaires. Il s’agit d’un signe – une fois de plus – d’attention et de grande confiance, visant à répondre aux attentes exprimées par la partie camerounaise pour un accompagnement dans le développement de certaines filières de transformation sur place des ressources et des richesses locales.
Afrik.com : Quel est le sentiment qui vous anime au moment où vous vous apprêtez à quitter le Cameroun ?
Samuela Isopi : Ce soir, je célèbre ma troisième et ma dernière Fête de la République italienne avec vous. Je suis, en effet, arrivée en fin de mandat et je quitterai le Cameroun dans les prochains mois pour rejoindre la famille européenne dans un pays de la sous-région. J’ai passé, au Cameroun et dans mes autres pays, trois années inoubliables, riches, intenses, pleines de satisfaction et de développements importants pour nos relations et pour ma vie, personnelle et professionnelle. La célébration de ce soir est donc pour moi une première occasion pour vous dire MERCI et AU REVOIR.
Je remercie, à travers vous Monsieur le Ministre, les Institutions camerounaises et les Membres du Gouvernement pour l’amitié envers mon pays et la collaboration constante que j’ai reçues au cours de mon mandat. Je remercie les Amis de la presse camerounaise qui nous ont suivi avec autant d’intérêt et d’enthousiasme et je leur souhaite de continuer à opérer et à développer leur « mission » dans un milieu qu’on espère puisse devenir de plus en plus mur et propice. Un grand merci à tous les partenaires, les interlocuteurs, les nombreux Camerounais que j’ai rencontrés dans tous les coins du Cameroun. J’ai essayé de visiter le pays, pour mieux le connaître et le comprendre. J’ai toujours essayé, avec beaucoup de simplicité, d’humilité et de respect, d’aller vers les gens, d’éviter le protocole, de passer moins de temps dans les cocktails et plus de temps sur le terrain. Je vous remercie tous et chacun pour ce que vous m’avez appris.
Je remercie mes Compatriotes, que j’ai trouvés partout, au Cameroun, en République Centrafricaine, au Tchad, en Guinée Equatoriale, dans les coins les plus éloignés et les plus difficiles, toujours occupés à aider les autres, à transmettre aux autres, à partager leur solidarité, leur savoir-faire, leurs principes avec leurs partenaires. Vous êtes les premiers vecteurs et acteurs de coopération, de partage des valeurs dont j’ai parlé ce soir. Je remercie les nombreux missionnaires et opérateurs humanitaires qui font avec tous les autres notre fierté ici en Afrique. Je vous remercie pour m’avoir appris à être humble et à écouter et à suivre votre exemple. Un merci à celui, un missionnaire, qui m’a transmis un principe que j’ai essayé de mettre en œuvre pendant ma mission : ce n’est pas important de donner toutes les réponses, mais d’écouter toutes les questions.
Je remercie mes collègues de la communauté diplomatique et, en particulier, mes collègues européens, avec lesquels nous avons travaillé « épaule contre épaule », pour promouvoir l’Europe, un partenaire clé, j’en suis convaincue, pour l’Afrique et pour le Cameroun. Un grand merci enfin à mes collaborateurs, pour leur patience, une patience qui sera encore nécessaire jusqu’aux dernières minutes de mon séjour ! On peut encore beaucoup faire en quelques mois !
En terminant mes propos, mes pensées vont aux femmes et aux jeunes, deux forces vives et puissantes de cette société, dans lesquelles je me reconnais. Je souhaite qu’ils puissent avoir l’espace qu’ils méritent et qu’il faudrait, pour leur permettre de contribuer à l’émergence du Pays. A tous les Camerounais je souhaite de continuer à vivre en paix, d’apprendre à contribuer au bien commun, de renforcer l’inclusion, la cohésion et le vivre ensemble dans la diversité, qui ne sont pas toujours des données, mais qui ont toujours besoin d’être soignés et protégés.