Une Camerounaise de 25 ans a causé la stupeur dans un bus, lundi, lorsqu’elle a crié que quelqu’un lui faisait l’amour par le biais de la sorcellerie. L’homme qu’elle a désigné du doigt comme responsable a été conduit au commissariat du troisième arrondissement de Douala. Faute de preuves, le présumé coupable a été relâché et, pour les mêmes raisons, il pourrait ne pas être poursuivi. La jeune femme, secouée par l’événement, s’est faite exorciser.
Une jeune Camerounaise a affirmé, lundi, avoir été violée dans le bus qui la transportait au marché central de Douala. Un viol « mystique », puisqu’Alvine n’avait aucun contact physique avec qui que ce soit à ce moment-là. Son histoire n’est apparemment pas la première du genre, plusieurs transporteurs de Douala ayant déjà rapporté des récits similaires de leurs passagères. Mais, la sorcellerie ne laissant pas de traces, il est fréquent que les plaintes déposées n’arrivent jamais sur les bureaux des tribunaux.
Alvine est originaire de Bafoussam et s’est rendue à Douala pour passer des vacances chez son frère Souley Robert, également époux d’Yvette. « Les deux femmes se rendaient au marché central de Douala en bus lorsque Alvine a lancé un cri assourdissant qui a provoqué la panique », rapporte Clovis Ebwelle, l’inspecteur de police principal du commissariat du troisième arrondissement de Douala. « J’étais assise lorsque j’ai ressenti des fourmillements dans mon sexe. Mais aussi des sensations fortes d’un acte sexuel. C’est alors que je me suis mise à crier, exactement comme si on était en train de me b… Tout le monde s’est retourné pour me regarder, c’est alors que j’ai pointé du doigt l’accusé qui rangeait sa verge dans son pantalon », a expliqué la femme de 25 ans au Quotidien Mutations.
L’accusé veut porter plainte pour diffamation
Selon des témoins, qui, selon Clovis Ebwelle, n’ont pas vu l’accusé sortir son attribut, Alvine était tremblante de peur. Crépin Gemba, l’homme indexé, « a paniqué en demandant sans arrêt : ‘Mais qu’est-ce qu’il y a ?’. Vers midi, le conducteur du bus est arrivé avec quelques passagers et le présumé coupable », explique Clovis Ebwelle. C’est alors qu’ils ont été entendus par les policiers. Crépin nie les accusations portées contre lui. « Ce sont des histoires !, déclare-t-il. Vous vous imaginez ? Vous êtes dans le bus et on balance n’importe quoi ! Si j’avais sorti ma verge comme elle le dit, tout le monde l’aurait vu ! J’ai pris contact avec un avocat ce matin (mardi, ndlr) pour porter plainte pour diffamation contre cette femme (Alvine, ndlr) et sa belle-sœur. C’est peut-être d’ailleurs ceux qui s’occupent des malades mentaux qui devraient s’occuper de cette femme ! »
De son côté, Souley Robert, « très étonné que Crépin soit déjà libre », a porté plainte pour sa sœur. Quant à dire qu’il intentera une action en justice… « Alvine est allée mardi chez un tradipraticien qui l’a traitée comme si elle était envoûtée. Depuis, elle va un peu mieux. Si elle n’a plus ce genre de problèmes, je vais peut-être laisser tomber. Son mari, que j’ai contacté hier (mardi, ndlr), a décidé la même chose », souligne le commerçant de 38 ans. Pourquoi ne pas l’avoir amenée à l’hôpital pour déterminer s’il y a bien eu viol ? « Je me débrouille : je ne gagne pas assez d’argent pour payer les examens. Et si c’est mystique, je me dis qu’à l’hôpital ils ne trouveront rien », répond Souley Robert, qui concède qu’il n’y a aucun élément de preuve.
Sans preuves, pas de procès
Et sans preuves, pas d’information judiciaire et pas de procès. « On entend souvent parler des viols par sorcellerie, mais, autant que je m’en souvienne, je n’ai jamais reçu ce type de plainte. Les cas arrivent rarement devant les tribunaux car il faut désigner un coupable, ce qui est très difficile. C’est pourquoi lorsqu’une femme se plaint d’avoir été violée ‘mystiquement’, ça ne peut pas passer : il faut des preuves. Et en l’absence de preuves, la police et le parquet tendent à retenir l’accusation de sorcellerie », indique le juge Mounyol à Mboussi, président du tribunal de grande instance de Ngaoundere (Province Adamaoua, Nord).
De quoi décourager les victimes. Et il y en a. « Ce sont surtout des femmes qui se plaignent. Souvent, elles accusent leur belle-mère d’organiser des viols par sorcellerie lorsqu’elles ont des problèmes de conception. Elles disent que c’est une technique pour les faire tomber enceinte, mais cela reste invérifié », précise une Camerounaise qui a préféré taire son nom. « Nous avons déjà eu des cas récurrents. Des conducteurs de bus sont venus nous signaler que des clientes s’étaient plaintes de viols de ce type. A notre niveau, les plaignants se présentent sans preuves pour appuyer leurs allégations. Et comme nous ne sommes pas des charlatans pour dire untel a bien été victime et tel autre non, nous n’avons jamais déféré personne devant le parquet », précise Clovis Ebwelle. Un imbroglio dont profiteraient certaines jeunes filles, qui expliquent qu’on les a « couchées dans la sorcellerie » pour justifier une grossesse dont elles se seraient bien passées…