Monsieur Daniel MOUNDZEGO, Président de l’Association des Réfugiés Sans Frontières (ARSF) et Coordonnateur du projet 3DACDET, nous montre les pistes pour l’amélioration des conditions de détention au Cameroun
Monsieur Daniel Moundzego, quel était l’objectif de vos invitations adressées aux journalistes lors de la cérémonie de libération de 28 détenus, tenue le 29 décembre 2011 dans l’enceinte de la Prison Centrale de Douala ?
Daniel Moundzego : L’objectif de cette cérémonie était de susciter le réveil de la conscience populaire sur les enjeux de l’humanisation de la prison, du respect des droits des personnes détenues et l’Amélioration de leurs conditions de détention.
Nous voulons amener, à travers l’action des médias, de la presse et du téléphone arabe, les citoyens, les acteurs, à comprendre qu’il est possible de contribuer au recouvrement de la liberté d’un détenu en manifestant un élan de solidarité, soit en payant la contrainte par corps, les amendes, les frais de justice et pourquoi pas les honoraires d’un conseiller juridique.
Leur présence dans l’enceinte de la prison centrale de Douala est la manifestation de la volonté de l’Administration camerounaise d’accompagner et d’appuyer les actions de la société civile dans la recherche du bien être, de la promotion et la protection des droits de l’homme sans le milieu carcéral. Aujourd’hui, grâce à l’Union Européenne qui nous fait confiance, nous permettons aux détenus vulnérables d’avoir une assistance symbolique et de recouvrer la liberté. Nous espérons que d’autres bailleurs, d’autres personnes de bonne volonté vont nous appuyer afin que nous puissions prendre en charge un plus grand nombre de détenus vulnérables.
Quelle définition votre Organisation (Association des Réfugiés Sans Frontières) donne-t-elle au mot « Détenu » ?
Daniel Moundzego : Le détenu est un être humain qui est en conflit avec la loi. Il a perdu le droit à la liberté. Mais il conserve tous les autres droits : Droit à la vie, Droit à la santé, Droit à la dignité, Droit à un environnement saint, Droit à un traitement humain, etc. La torture comme moyen d’obtention des aveux doit être proscrite, car c’est une violation grave des droits de l’homme.
Comment aviez-vous procédé pour le choix de ces 28 détenus qui ont passé la fête de nouvel an avec leurs familles ?
Daniel Moundzego : C’est avec la collaboration des services de Monsieur ENGONGA MINTSANG Dieudonné, Régisseur de la Prison Centrale de Douala que nous avons identifié les 28 détenus vulnérables.
L’Association des Réfugiés Sans Frontières (ARSF), après toutes les démarches administratives au parquet à Bonanjo et Ndokoti a pu payer pour que 28 détenus soient libérés en ce jour. Dans ces 28 détenus, il y a 98% de Camerounais et 2% d’étrangers.
C’est le lieu de dire merci à Monsieur le Régisseur et son équipe et de reconnaître une évolution positive du dialogue entre l’Administration et l’Association des Réfugiés Sans Frontières.
Nous espérons vivement que cette évolution se traduise par des décisions au plus haut niveau pour institutionnaliser l’accès libre des lieux de détention aux organisations de défense des droits de l’homme autre que la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés.
Qu’est-ce que c’est que le projet « Défense des Droit des Personnes Détenues et Amélioration de leurs Conditions de Détention au Cameroun (3DACDET) » ?
Daniel Moundzego : Le présent projet s’insère dans un contexte de promotion des droits de l’Homme au Cameroun, particulièrement la défense des droits de l’homme dans le monde carcéral.
Il est attendu d’ARSF en tant que bénéficiaire du financement de l’Union Européenne, d’impliquer d’autres acteurs intéressés comme les organisations de la société civile, les églises et les institutions de développement.
Le projet vise l’atteinte des objectifs suivants :
La Réduction des dysfonctionnements et les abus liés à la détention, en particulier à la détention préventive et la surpopulation carcérale ;
L’Amélioration du fonctionnement des institutions judiciaires et carcérales par un travail d’enquêtes, des actions de plaidoyer, de formations ;
L’Amélioration des conditions de vie et de détention par la fourniture d’une assistance judiciaire, alimentaire, médicale et vestimentaire aux détenus les plus vulnérables identifiés par les membres de l’observatoire des droits de l’homme dans les lieux de détention concernés par le projet.
C’est très pénible de rester encore en prison après avoir fini de purger la peine par manque de moyens pour payer les amendes ou la contrainte par corps.
C’est très pénible de rester encore en prison lorsque, grâce à la remise de peine du Président de la République, vous ne pouvez pas recouvrer la liberté parce que vous n’avez pas les moyens de payer par exemple 26 000 FCFA ou plus.
Quelle est son origine et sa durée de mise en œuvre en terre camerounaise ?
Daniel Moundzego : L’Union Européenne à travers sa Commission, a accordé à l’Association des Réfugiés Sans Frontières, une subvention pour mettre en œuvre ce projet pendant deux (02) ans.
Dans le prolongement des résultats obtenus et des leçons tirées de la mise en œuvre de ce programme au Cameroun par ARSF, en République Démocratique du Congo par SOPROP et au Burundi par APRODH, un projet a été soumis à l’Union Européenne pour lancer au Cameroun un projet pilote qui commence dans trois régions : le Littoral, le Centre et l’Extrême Nord.
Dans le souci d’efficacité et surtout de coller aux réalités du Cameroun, il a été procédé à l’organisation d’une série d’ateliers et séminaires de formation et de réflexion qui se sont déroulés à Yaoundé, Douala et Maroua; auxquels ont largement pris part les magistrats, le personnel de l’Administration pénitentiaire, les avocats, les organisations de la société civile travaillant dans les prisons ciblées par le projet et les hommes de médias.
En dehors des amendes / contraintes par corps réglées, qu’avez-vous fait d’autres ?
Daniel Moundzego : En dehors des amendes / contraintes par corps réglées, chaque détenu libéré avait reçu une somme de 30.000 FCFA pour lui permettre de s’acheter les habits, trouver à manger et payer le transport pour rejoindre sa famille.
Qu’attendez-vous de ces ex-pensionnaires de la Prison Centrale de Douala qui viennent de recouvrer la liberté et à ceux qui sont encore en détention ?
Daniel Moundzego : Il est attendu des détenus qui recouvrent la liberté de tirer les leçons de leur séjour ici en prison et de faire des efforts pour ne plus retomber dans les travers qui les mettront encore en conflit avec la loi.
Pour ceux qui restent encore ici en prison, qu’ils ne perdent pas espoir. Nous continuons de chercher les soutiens pour augmenter notre capacité d’agir plus afin de venir en aide au plus grand nombre des détenus vulnérables.
Vous avez des droits, mais vous avez aussi des devoirs. Pratiquer l’Amour de Dieu et vous serez épargnés des fruits de la paresse et de l’oisiveté.
Un mot à l’endroit du Président de la République du Cameroun…
Daniel Moundzego : Notre appel répété à l’endroit du Premier Magistrat de notre pays reste le même ! Monsieur le Président de la République, l’environnement carcéral est la vitrine et le baromètre de la démocratie et de l’Etat de droit. Vous faites déjà beaucoup. Mais nous vous exhortons à améliorer la qualité et les conditions de travail du personnel pénitentiaire, de délocaliser les prisons urbaines. En attendant, des mesures urgentes issues des recommandations de nos ateliers de réflexion vous seront acheminées.