L’annonce de la distribution de semences génétiquement modifiées, dans le Nord du Cameroun, soulève la question de la législation du pays en matière de biotechnologie. Une loi, non appliquée, existe depuis avril 2003, mais elle est critiquée par plusieurs organisations non-gouvernementales de défense de l’environnement et de défense des consommateurs.
Des semences biologiquement modifiées
(OGM) seraient bien présentes au Cameroun, notamment dans
l’extrême Nord du pays, « une région dont la dépendance à l’aide
alimentaire est une réalité » et où elles seraient distribuées aux
paysans, a révélé le coordonnateur de l’Association camerounaise
pour l’éducation environnementale (ACEEN), Barthélémy Tsafack.
Selon M. Tsafack, les agriculteurs adoptent ces aides non-
alimentaires de certaines multinationales parce que leurs
rendements sont meilleurs que celui des semences locales.
Déplorant la méfiance de certains cadres qui refusent de livrer
leurs statistiques en la matière, il a rappelé que le Cameroun
dispose depuis le 21 avril 2003 d’une loi portant sur le régime de
sécurité en matière de biotechnologie moderne dont on attend
encore le décret d’application.
Il s’agit d’un texte de 68 articles qui rencontre pourtant de
vives critiques de la part de plusieurs Organisations
non-gouvernementales de défense de l’environnement et de défense des
consommateurs.
Président de l’Association camerounaise pour la défense des
consommateurs (ACDP), Samuel Essoungou Ndemba estime que cette
loi est conforme au Protocole de Cartagena, encore appelé
Convention sur la diversité biologique.
Il souhaite sa mise en oeuvre, mais surtout que les populations
donnent leur avis sur la question et que le principe soit
publiquement discuté.
Experte du Centre africain pour la biodiversité, basé en Afrique
du Sud, Mariam Mayet pense que la loi camerounaise comporte de
nombreuses insuffisances dont la moindre n’est pas la
« phraséologie troublante » à commencer par la définition même des
produits génétiquement modifiés (GM).
Les dispositions sur la responsabilité prévues dans la loi ne
s’appliquent pas à ces produits, indique-t-elle, ajoutant
qu’aucun mécanisme relatif au processus de prise de décision
n’existe dans le texte, « ce qui constitue une omission essentielle
et sérieuse ».
De plus, affirme-t-elle, les dispositions sur la responsabilité
ne couvrent pas les dommages issus du développement et de la
manipulation des OGM, ou encore de la réparation.
Un haut responsable du ministère camerounais de l’Environnement
et de la Protection de la nature ayant requis l’anonymat,
reconnaît que les avantages et les inconvénients des OGM ne sont
pas encore clairement identifiés, mais déplore également
l’insuffisance des équipements pour les tests, le manque de
ressources financières pour la sensibilisation et le renforcement
des capacités des spécialistes.
Le débat autour de ces semences améliorées renferme un véritable
problème de responsabilité, indique de son côté le directeur du
Centre pour l’environnement et le développement (CED), Samuel
Nguiffo, qui pointe un doigt accusateur sur l’industrie des OGM,
qui, selon lui, essaie de se protéger pour le présent et le futur
contre un risque que personne ne maîtrise encore.
« Ce lobby veut être exonéré de toute responsabilité, aussi bien
maintenant que pour l’avenir », estime-t-il.
A l’issue d’une réunion tenue fin juillet dernier à Yaoundé,
25 Organisations de la société civile (OSC), organismes de
recherche et chercheurs avaient notamment dénoncé la faible
diffusion de la loi sur la biotechnologie moderne, la rétention
des informations sur les OGM, ainsi que les difficultés d’accès à
l’information auprès des administrations et des institutions de
recherche.
Elles avaient recommandé au gouvernement d’accélérer
l’élaboration et la publication des textes d’application de la
loi sur la biotechnologie moderne, d’impliquer de manière
effective les OSC dans l’élaboration et la finalisation des
textes réglementaires en cours, d’engager une réflexion
impliquant la Société civile en vue de la révision de l’actuelle
loi sur la biotechnologie moderne.
Les pouvoirs publics ont également été invités à diffuser
largement l’information sur les OGM en impliquant les
Organisations de la société civile et à se doter des moyens
humains et matériels en vue d’un contrôle systématique effectif
des importations des produits agroalimentaires et des OGM en
particulier.
Ils ont aussi été conviés à établir une plate-forme formelle et
permanente de concertation avec la Société civile sur les
questions de protection de l’environnement en général et les OGM
en particulier et à demander la suspension du Panel africain de
biotechnologie mis sur pied par l’Union africaine (UA) tant que
ses termes de références n’auront pas été débattus publiquement
pour assurer une représentation équitable des acteurs.
Pour les signataires de la déclaration, il faut développer et
mettre en oeuvre des alternatives durables à l’aide alimentaire
(développement des infrastructures de transport, vulgarisation
des techniques agrobiologiques, etc.), l’étiquetage systématique
des produits avec la mention « contient ou ne contient pas des
OGM » ou « fabriqué ou non à base de produits GM ».
Les participants s’étaient engagés à constituer un réseau de
suivi des OGM au Cameroun, à mener des actions de sensibilisation
sur les OGM à travers le territoire national et à contribuer au
développement des ressources humaines sur la question.
Ils s’étaient aussi engagés à vulgariser les actions actuellement
menées par les organisation travaillant sur cette question et à
mener des actions de lobbying et de plaidoyer pour la défense des
intérêts du consommateur et pour la mise en oeuvre de textes lois
et textes d’application, et à renforcer la collaboration avec les
institutions de recherche.